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Continuons cet exposé, nous voici dans le cœur de la théorie de la périgenèse. « Qu’est-ce que la reproduction ? » se demande Hæckel[1]. Et il répond, après Buffon : « La reproduction est un excès de croissance de l’individu[2]. » Après avoir montré très justement que la reproduction sexuelle non seulement n’est pas le seul, mais même n’est pas le mode de reproduction le plus fréquent dans les êtres vivants, il ajoute : « Lorsqu’un être élémentaire, une plastide, une monère homogène, a atteint un certain degré de croissance, le plasson amorphe se divise, en raison même de cet accroissement continu, en deux moitiés égales, parce que la cohésion des plastidules ne suffit pas à maintenir agrégée toute la masse… L’hérédité paraît ici comme une simple et fatale conséquence de la division ; en même temps, elle nous révèle l’essence même de sa nature : l’hérédité est la transmission du mouvement des plastidules, la propagation ou reproduction du mouvement moléculaire individuel des plastidules de la plastide mère aux plastides filles. » Si rien ne venait troubler le mouvement des plastidules transmis de la plastide mère à la cellule fille, ce mouvement serait exactement le même dans la fille que dans la mère, mais il est toujours plus ou moins modifié par les conditions extérieures, conditions qui ne sont jamais absolument identiques pour deux individus. « En retentissant sur l’organisme élémentaire, ces diverses conditions d’existence changent sa nutrition originelle et produisent une modification partielle du mouvement primitif des plastidules ; cette modification ou variation, on la nomme adaptation : l’adaptation est une modification des plastidules, grâce à laquelle les plastidules acquièrent des propriétés nouvelles[3]. » Nous verrons plus tard que cette adaptation est la cause déterminante non seulement des variations individuelles, mais encore des variations de races, d’espèces, etc. Hæckel dit ailleurs[4] : « L’hérédité est la mémoire des plastidules ; la variabilité est la réceptivité des plastidules. » Ainsi se trouve bien précisé le sens attribué plus haut par Hæckel au mot « mémoire ». Il dit encore[5] : « Grâce à la mémoire des plastidules, le plasson est capable de transmettre par l’hérédité, de génération en génération, ses propriétés caractéristiques, dans un mouvement rhythmique continu, et il est capable d’ajouter à ces propriétés les nouvelles expériences qu’ont acquises par l’adaptation les plastidules au cours de leur évolution. » Il continue : « Les modifications des formes organiques que nous comprenons au sens le plus étendu, sous la motion d’adaptation, ont pour cause les changements qui surviennent dans la nutrition des plastides. Mais ces modifications sont réductibles aux change-

  1. Hæckel, Essais de psychologie cellulaire, trad. fr., p. 47.
  2. Ibid., p. 49.
  3. Ibid., p. 51.
  4. Ibid., p. 80.
  5. Ibid., p. 78.