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qu’il considère le plasson comme formé par l’agrégation de molécules auxquelles il donne, avec Elsberg, le nom de plastidules. Les plastidules « possèdent toutes les propriétés que la physique attribue en général aux molécules hypothétiques et aux « atomes composés ». Chaque plastidule n’est donc point résoluble en plusieurs petites plastidules : elle ne peut plus qu’être décomposée en ses atomes constituants »[1]. Il ajoute : « Outre les propriétés physiques générales que la physique et la chimie de nos jours attribuent aux molécules de la matière, les plastidules possèdent encore des attributs spéciaux qui leur appartiennent exclusivement : ce sont, d’une manière générale, les propriétés de la vie, en vertu desquelles ce qui vit se distingue de ce qui est mort, et l’organique de l’inorganique, du moins dans l’opinion courante. » Je n’ai pas besoin de rappeler que cette « opinion courante », est très suspecte, et que les propriétés des corps vivants ne diffèrent pas essentiellement des propriétés des corps non vivants. Je ne veux pas suivre Hæckel dans les considérations auxquelles il se livre relativement à ces propriétés. La langue qu’il parle est tellement imbue des termes usités parmi les panthéistes que je craindrais d’introduire ici une cause de confusion. Je suis cependant obligé, pour rendre compréhensible l’exposé de sa doctrine, de citer le passage suivant, dans lequel se trouve exprimée sa manière de voir sur les propriétés des molécules vivantes et des atomes non vivants. « Chaque atome, dit-il[2], possède une somme inhérente de force et est bien, en ce sens, « animé ». Sans l’hypothèse d’une « âme de l’atome », les phénomènes les plus vulgaires et les plus généraux de la chimie ne s’expliquent point. Le plaisir et le déplaisir, le désir et l’aversion, l’attraction et la répulsion doivent être communs à tous les atomes : car les mouvements des atomes, qui doivent avoir lieu dans la formation et la dissolution d’une combinaison chimique quelconque, ne sont explicables que si nous leur attribuons une sensibilité et une volonté. Autrement, sur quoi repose au fond la doctrine chimique, généralement admise, de l’affinité élective des corps, sinon de la supposition inconsciente, qu’en réalité les atomes, qui s’attirent et se repoussent, sont doués de certaines tendances, et qu’en suivant ces sensations ou impulsions ils possèdent la volonté et la capacité de se rapprocher ou de s’éloigner les uns des autres. » Je montrerai plus loin comment il faut entendre les termes dont se sert ici Hæckel si l’on veut rester dans le domaine des faits scientifiques et quelle langue il faut substituer à celle qu’il parle si l’on veut éviter les interprétations panthéistes dont tout ce qui précède peut être l’objet.

« Bien de plus vrai, ajoute M. Hæckel[3], que ce qu’a dit Gœthe sur ce sujet dans ses Affinités électives, quand il a transporté à la vie de l’âme humaine,

  1. Hæckel, Essais de psychologie cellulaire, trad. fr., p. 38.
  2. Ibid., p. 40.
  3. Ibid., p. 41.