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de chaque organisme, y compris toutes les formes de la métamorphose et de la métagenèse, dépend de la présence de gemmules émises à chaque période de la vie, et du développement de ces gemmules à une période correspondante, en union avec les cellules précédentes. On peut dire que ces cellules sont fécondées par les gemmules qui les suivent immédiatement dans l’ordre du développement. En conséquence, l’acte de la fécondation ordinaire et le développement de chaque partie de chaque organisme sont des phénomènes absolument analogues. L’enfant, à proprement parler, ne croît pas pour devenir un homme, mais il contient des germes qui se développent lentement et successivement et qui finissent par former l’homme ; chez l’enfant aussi bien que chez l’adulte, chaque partie engendre une partie semblable. On doit regarder l’hérédité comme une simple forme de croissance, semblable à la division spontanée d’un organisme unicellulaire inférieur. Le retour provient de ce que l’ancêtre a transmis à ses descendants des gemmules latentes, qui se développent éventuellement dans certaines conditions connues ou inconnues. On pourrait comparer chaque animal et chaque plante à une couche de terre pleine de graines, dont les unes germent rapidement, dont les autres restent inactives pendant une période plus ou moins longue, tandis que d’autres périssent. Quand nous entendons dire qu’un homme porte dans sa constitution les germes d’une maladie héréditaire, l’expression est en somme absolument correcte. Jusqu’à présent on n’a pas encore essayé, que je sache, de relier l’une à l’autre ces grandes catégories de faits ; l’hypothèse que je propose, très imparfaite d’ailleurs, je le reconnais, est donc la première. En résumé, un être inanimé est un microcosme, un petit univers, composé d’une foule d’organismes, doués de la propriété de se propager eux-mêmes, extraordinairement petits, et aussi nombreux que les étoiles du ciel. »

Analogies entre la théorie de Darwin et celle de Buffon. Je n’ai pas besoin d’insister sur l’analogie profonde qui existe entre cette théorie et celle de Buffon. Dans les « gemmules » de Darwin, il est facile de voir les filles des « molécules organiques » de Buffon. Les unes comme les autres proviennent de toutes les parties du corps et forment par leur agrégation ce que Buffon appelle des « parties semblables au tout », car l’œuf qui n’est qu’une cellule, une unité, mais une cellule, une unité capable de reproduire le tout, quand il aura été fondu avec cette autre unité, le spermatozoïde, l’œuf, dis-je, dans les deux théories, est formé de particules, de gemmules, provenant de toutes les parties de l’organisme femelle, comme le spermatozoïde est formé de particules, de gemmules, venant de toutes les parties de l’organisme mâle. Dans les deux théories aussi, les « molécules organiques » ou les « gemmules » sont susceptibles de se conserver sans s’altérer, Buffon allant-même jusqu’à les faire indestructibles. Darwin dit bien que les « molécules organiques de Buffon », qui semblent au premier abord identiques aux gemmules de son hypothèse, en sont essentiellement différentes, mais il ne montre pas