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d’œufs », pour indiquer que ce ne sont pas seulement des œufs, mais bien des « embryons préexistants », et déjà complètement formés, n’attendant plus que la stimulation du sperme pour se développer.

Revenons au poulet, et voyons comment Bonnet interprète le rôle de la fécondation. Ayant admis que le poulet préexiste dans la poule et qu’il a tous ses organes y compris le cœur, il ajoute[1] : « L’évolution ou le développement s’opère par la nutrition. La nutrition suppose la circulation. Enfin, le cœur est le principe de la circulation. S’il se fait une circulation dans le germe avant la fécondation, vous conviendrez au moins qu’elle n’est pas suffisante pour opérer cette évolution totale, qui rend le germe visible et qui donne à toutes les parties les formes, les proportions et l’arrangement qui caractérisent l’espèce. Le germe ne peut donc achever de se développer dans un œuf qui n’a point été fécondé, et l’incubation ne ferait que hâter sa corruption. Cependant, que lui manque-t-il pour continuer à croître ? Il a tous les organes nécessaires à l’évolution. Il a même déjà pris un certain accroissement ; car les œufs croissent dans les poules vierges ; leurs ovaires en renferment de toutes grandeurs. Le germe y croît donc aussi. Pourquoi ne peut-il se développer davantage ? Quelle force secrète le retient dans les limites de l’invisibilité ? L’accroissement dépend de l’impulsion du cœur. Un plus grand développement dépend donc d’une plus grande impulsion. Ce degré d’impulsion manque donc au cœur du germe qui n’a pas été fécondé. Ceci démontre une certaine résistance dans les parties du germe. À mesure qu’il croît, cette résistance augmente. Les unes résistent plus que les autres ; les parties osseuses ou qui doivent le devenir plus que les membraneuses ou qui doivent toujours demeurer telles. Le cœur du germe a donc besoin d’un degré de force déterminé pour surmonter cette résistance. Sa force est dans son irritabilité, ou dans le pouvoir de se contracter de lui-même à l’attouchement d’un liquide. Augmenter l’irritabilité du cœur c’est augmenter sa force impulsive. La fécondation accroît sans doute cette force, et elle peut seule l’accroître, puisque ce n’est que par son intervention que le germe parvient à franchir les limites étroites qui le retenaient dans son premier état. La liqueur fécondante est donc un vrai stimulant, qui, porté au cœur du germe, l’excite puissamment et lui communique une nouvelle activité. Voilà en quoi consiste ce que nous nommons la conception. Le mouvement une fois imprimé au petit mobile s’y conserve par la seule énergie de son admirable mécanique. »

Bonnet ajoute[2] que « la liqueur prolifique n’est pas un simple stimulant, » mais qu’elle « est encore un fluide nourricier, approprié à l’extrême délicatesse des parties du germe. »

La théorie de l’emboîtement des germes fut adoptée par la plupart des

  1. Contemplation de la nature, œuvres complètes, éd. 1779, t. IV, partie Ire, p. 276.
  2. Ibid., p. 278.