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» Mais en accumulant des nombres, on n’accumule pas des faits, et la nature elle-même semble nous fournir des preuves directes de l’emboîtement. Elle nous montre des parties osseuses d’un fœtus, renfermées dans un autre fœtus, un œuf renfermé dans un autre œuf, un fruit dans un autre fruit, un fœtus dans un autre fœtus, etc. »

Pour Bonnet et pour tous les partisans de l’emboîtement des germes, l’œuf contient, avant la fécondation, toutes les parties qui entreront plus tard dans la composition de l’animal. Mais ces parties, et notamment la plus importante d’entre elles, le cœur, ont besoin pour s’accroître d’un stimulant qui leur est fourni, au moment de la fécondation, par le liquide mâle. « Le poulet, dit Bonnet (ibid., p. 274), était tout entier dans l’œuf avant la fécondation. Il ne doit donc pas son origine à la liqueur que le coq fournit : il était dessiné en petit dans l’œuf antérieurement au commerce des sexes. Le germe appartient donc uniquement à la femelle. » Dans une note ajoutée à ce paragraphe, Bonnet dit encore : « M. Spallanzani a démontré, par une suite nombreuse d’observations bien faites, que ce qu’on nomme les œufs dans la grenouille ou le crapaud, n’en sont point ; mais qu’ils sont réellement le petit animal ou le têtard, bien complet, replié sur lui-même, et qu’on aperçoit distinctement dans les prétendus œufs non fécondés, comme dans ceux qui l’ont été. L’observateur a démontré la même chose chez les salamandres aquatiques. Il a plus fait encore : il a fécondé artificiellement les embryons préexistants de ces divers amphibies ; et il lui a suffi pour opérer cette singulière fécondation, de toucher l’espèce d’œuf avec la pointe d’une aiguille ou d’un pinceau, humectés légèrement de la liqueur du mâle. C’est à peu près de la même manière que s’opère la fécondation naturelle de ces amphibies : on n’ignore pas, en effet, qu’elle ne s’exécute point dans l’intérieur de la femelle. Le mâle de la grenouille ou du crapaud répand sa liqueur sur les œufs que la femelle vient de pondre ; et l’épaisse couche de glaire dont ils sont alors enveloppés n’empêche point que cette liqueur ne pénètre jusqu’à l’embryon. Il en est de même encore de la fécondation chez les poissons à écailles. Le mâle répand ses laites sur les œufs, après que la femelle s’en est déchargée. Avant que M. Spallanzani eût tenté de féconder artificiellement les espèces d’œufs de la grenouille et du crapaud, un autre observateur avait réussi à féconder de la sorte les œufs de divers poissons. Ainsi, ce qui se passe à découvert dans la fécondation des œufs des poissons et des amphibies, se passe dans l’obscurité d’un ovaire chez les autres animaux. C’est donc toujours par dehors que l’œuf est fécondé, soit chez les ovipares, soit chez les vivipares ; et il était bien naturel de le supposer, dès qu’on admettait que l’embryon préexiste tout entier dans l’œuf : car on devait en inférer que le sperme n’agissait que comme un principe stimulant et nourricier. »

On remarque avec quelle insistance Bonnet nomme les œufs des « espèces