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dérable, que l’on peut facilement se laisser entraîner à leur donner des dénominations particulières.

Nous sommes d’autant plus sollicités d’entrer dans cette voie, que nos sciences, encore dans l’enfance, nous laissent ignorer le pourquoi et le comment de la plupart des phénomènes naturels dont nous constatons la production. Cependant, elles sont aujourd’hui assez avancées pour que nous puissions admettre, sans crainte de nous tromper, que tous les phénomènes biologiques ne sont, en réalité, que des phénomènes physiques ou chimiques. Nous ignorons bien des choses, mais nous en connaissons assez pour ne plus nous laisser entraîner à considérer comme des vérités les opinions engendrées par l’ignorance de nos pères ou par la nôtre.

L’origine de la matière vivante. Il me paraît maintenant possible de faire à la question posée plus haut : quelle est l’origine de la matière vivante ? la réponse suivante : la matière vivante s’est produite par suite de la combinaison, dans des conditions déterminées, de principes organiques et inorganiques soumis à toutes les lois de l’affinité chimique. Que cette combinaison se soit effectuée dans des conditions de chaleur, de lumière, d’électricité, etc., convenables, et la matière formée aura pu manifester les propriétés dites de la vie. Cette réponse trouve ses arguments non seulement dans tout ce que nous avons dit des propriétés des êtres vivants comparées à celles des corps non vivants, mais encore dans ce que nous savons relativement à la constitution intime de la matière. Si la matière est une, si les divers corps qu’elle forme ne diffèrent que par les rapports des atomes pondérables entre eux et par la diversité des mouvements des atomes, il me paraît aussi aisé de passer des matières albuminoïdes non vivantes au protoplasma vivant que de l’éther impondérable à la matière pondérable.

Tout cela, dira-t-on peut-être, n’est qu’hypothèse ! Sans doute, mais cette hypothèse réunit les deux conditions essentielles de probabilité qu’on puisse exiger d’une hypothèse : elle est la plus simple qu’il soit possible d’imaginer, en même temps qu’elle est la plus apte à expliquer scientifiquement, c’est-à-dire sans l’intervention d’aucune force occulte, tous les phénomènes dont l’univers est le siège, depuis la formation de la nébuleuse jusqu’à celle de l’organisme vivant le plus compliqué, en passant par les innombrables systèmes solaires et planétaires qui peuplent l’immensité des cieux et par les formes presque aussi nombreuses d’organismes qui pullulent dans les eaux douces et salées et sur les continents de notre petit globe.

Ayant répondu avec les données actuelles de la science à la question de l’origine de la matière vivante, il nous reste à montrer par quels moyens on peut expliquer l’origine des innombrables espèces d’animaux et de végétaux qui peuplent la terre. Deux questions sont contenues dans celle-là : l’une, dont il a déjà été parlé plus haut, relative à la perpétuation des êtres vivants, ou, pour employer les termes qui nous ont déjà servi, à la géné-