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Maintenant qu’il nous est acquis que ce n’est pas au point de vue de la nutrition que des êtres vivants aussi simples que les monères diffèrent absolument d’un corps non vivant, cherchons si l’étude des autres fonctions nous conduira à admettre d’autres différences assez considérables pour que nous nous rangions à l’opinion officiellement enseignée, d’après laquelle la vie ne pourrait être comprise qu’à la condition de l’attribuer à un agent immatériel uni aux corps vivants.

La monère, en même temps qu’elle se nourrit, se dénourrit ; elle introduit dans sa masse de l’oxygène ; celui-ci produit des décompositions dont le résultat ultime est le rejet par l’organisme d’un certain nombre de produits de désassimilation ou destruction moléculaire, produits parmi lesquels se trouvent constamment de l’acide carbonique, de l’eau et un corps azoté de nature variable. C’est cet acte complexe qui a reçu le nom de respiration. Appartient-il exclusivement aux êtres vivants ?

Réduite à sa plus simple expression, la respiration n’est qu’un ensemble de phénomènes d’oxydation ou de dédoublement des principes chimiques qui entrent dans la constitution des corps vivants. Or, les oxydations et les dédoublements se présentent à nous, partout dans la nature. Abandonnons dans l’air, dans l’eau, ou dans tout autre milieu oxygéné, un morceau de fer, et ce corps ne tardera pas à s’oxyder, d’une façon lente, il est vrai, mais tellement continue qu’au bout d’un temps plus ou moins long il sera impossible de retrouver la moindre parcelle de fer ; le métal sera remplacé par un corps nouveau, produit de son oxydation, de sa combinaison avec l’oxygène : un oxyde de fer. Ne pouvons-nous pas comparer cette oxydation avec celles qui se produisent dans un corps vivant ?

On objectera, sans nul doute, que l’oxydation du fer ne donne naissance qu’à un seul produit : l’oxyde de fer ; tandis que celle des corps vivants détermine la production d’un nombre très considérable de produits et surtout de produits très différents par leur nature de celui qui résulte de l’oxydation du fer ; on ajoutera que le fer ne s’oxyde qu’à sa surface et de dehors en dedans, tandis que les oxydations de la matière vivante s’effectuent dans la profondeur même de la masse matérielle. Mais nous devons tenir compte de ce double fait : que le fer étant un corps simple ne peut donner avec un autre corps simple qu’un seul ou un très petit nombre de corps composés produit par son oxydation, et que la densité du fer étant très considérable, l’oxygène ne peut pénétrer dans sa profondeur qu’avec une grande lenteur. Un corps vivant, au contraire, une monère, par exemple, est formé d’une substance très peu dense et soumise à des déplacements moléculaires incessants ; il est, par suite, très perméable aux gaz ; d’autre part, sa constitution chimique étant très complexe, ses produits d’oxydation sont très variés.

Qu’au lieu d’un corps simple et très dense comme le fer, nous prenions