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notabilités de la littérature et de la science, et ses dîners réunissaient les personnes les plus distinguées de la cour et de la ville. À Montbard, il y avait toujours à sa table des étrangers attirés par sa renommée, des voisins et des amis heureux de jouir de sa douce cordialité, ou des collaborateurs empressés à recueillir les pensées du maître.

Il donnait volontiers au peuple des fêtes somptueuses, dans ses magnifiques jardins de Montbard.

Daubenton a fait le récit de celle qui fut célébrée à l’occasion de la naissance du fils du prince de Condé. Il écrit à un ami, le 16 août 1736 : « M. de Buffon vous attend avec la plus grande impatience, et vous sait mauvais gré de ne vous être pas pressé davantage. Vous auriez été témoin des réjouissances qu’il a faites au sujet de la naissance du prince de Condé. Il en reçut la nouvelle dimanche dernier, 12 août, à sept heures du matin. L’attachement qu’il a pour la maison de Condé le porta aussitôt à marquer sa joie par tout ce qu’on pouvait imaginer de réjouissant dans une petite ville. Son premier mouvement fut d’abord de rendre l’heureux événement public ; il fit transporter les canons de la ville dans les jardins du château, et l’on en fit trois décharges, au bruit de plusieurs tambours et d’une grande mousqueterie qu’on avait assemblée, ce qui fut répété jusqu’à dix-huit fois dans toute la matinée. Ces salves parurent si extraordinaires dans tous les villages des environs, que la plupart des paysans vinrent à la ville, croyant que ce fût l’arrivée du prince ou la publication de la paix.

» Sur le midi, il fit rassembler tous les instruments de la ville et des environs, qui dans ce pays, où le goût de la musique ne prévaudra jamais sur celui du vin, ne laissèrent pas que de former trois troupes de plusieurs instruments chacune. On en plaça une partie au château, et le reste devant son habitation, qui est, comme vous le savez, monsieur, dans l’endroit le plus apparent et le plus fréquenté de la ville ; tout le peuple s’y assembla pour danser en très grand nombre.

» À cinq heures, on disposa par une fenêtre, au haut de la grande porte, une fontaine de vin, et cet article ne fut pas le moins plaisant de la fête. Elle coula abondamment et sans discontinuer jusqu’à près de minuit, et le bon jus attira mainte fois les acclamations de : Vive le Roi, Leurs Altesses Sérénissimes et le Prince nouveau-né ! Grand souper ensuite, où se trouva ce qu’il y avait de mieux à la ville. La compagnie était nombreuse ; aussi fallut-il plus d’une table. On y a bu en vrais Bourguignons.

» À l’entrée de la nuit, la maison fut illuminée sur toute sa façade avec tout ce qu’on put rassembler de torches, flambeaux, lampions, pots de goudron ; on employa jusqu’aux creusets du laboratoire.

» Après le souper, on fit devant la maison un essai du feu d’artifice ; sur le perron que vous connaissez et autour de la porte était une illumination