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Cette forme de la matière vivante est évidemment la plus simple qu’on puisse imaginer. Plus simple que les cellules qui entrent dans la composition du corps des animaux et des végétaux, elle a dû nécessairement les précéder. C’est donc à propos d’elle que nous devons poser et résoudre, si possible, la question posée plus haut : d’où vient la matière vivante ?

Origine de la matière vivante. Rappelons-nous d’abord que le protoplasma, dont elle est formée, est simplement un mélange de matières albuminoïdes, avec quelques granulations ternaires, graisseuses ou autres, de l’eau et quelques sels minéraux.

Les quantités d’oxygène, d’hydrogène, de carbone et d’azote unies pour former les matières albuminoïdes qui constituent la partie fondamentale du protoplasma nous sont actuellement inconnues ; mais rien ne s’oppose à ce qu’un jour nous découvrions la composition chimique de ces matières comme nous l’avons fait pour celle de tous les autres corps.

Les rapides et incessants progrès accomplis depuis le commencement de ce siècle par la chimie sont d’un bon augure à cet égard. Si quelque esprit hardi avait, il y a seulement deux siècles, affirmé que le jour viendrait où l’on pourrait à volonté fabriquer de l’eau, il eût sans doute provoqué la manifestation d’une bien vive incrédulité. C’est qu’alors on ignorait non seulement la façon dont on pourrait fabriquer de l’eau, les conditions dans lesquelles on devrait se placer, mais encore la nature des éléments qui entrent dans la composition de ce corps. Le doute eût été beaucoup moins grand après qu’on eut découvert que l’eau est formée par une simple combinaison d’oxygène et d’hydrogène, et surtout quand on eut trouvé la proportion suivant laquelle ces deux éléments sont associés. Enfin, lorsque les chimistes eurent acquis la connaissance exacte de la composition chimique de l’eau, rien ne les empêcha plus d’admettre que ce corps s’était formé spontanément dans la nature, par simple combinaison de ses éléments se rencontrant dans des conditions favorables.

Ce que nous venons de dire de l’eau, nous pourrions le répéter au sujet d’une foule d’autres corps plus ou moins complexes, dont nous avons découvert successivement la composition élémentaire, le mode de production, et que nous fabriquons aujourd’hui journellement. Au commencement de ce siècle, Chevreul faisait l’analyse des corps gras ; il n’est pas encore mort qu’on a déjà réalisé la synthèse artificielle de quelques-uns ; on a fabriqué de toutes pièces des alcools, des éthers, des essences dont on ne connaît la composition que depuis quelques années.

Appliquons le même raisonnement aux matières albuminoïdes. Nous savons déjà que ces matières ne sont composées que de carbone, d’azote, d’hydrogène et d’oxygène ; il nous est bien permis de supposer qu’un jour viendra où non seulement nous connaîtrons exactement les proportions suivant lesquelles ces éléments sont associés, mais encore les conditions dans lesquelles ils sont susceptibles de se combiner. Ce jour-là, sans nul doute, le chimiste