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mique du noyau étant analogues à celles du protoplasma, on peut considérer le noyau comme résultant d’une simple différenciation du protoplasma.

Il est important d’ajouter que l’on ne trouve pas seulement le protoplasma dans les cellules des animaux ou des végétaux, mais aussi à l’état de masses libres. On rencontre souvent dans les bois, par les temps humides, des masses d’une substance jaune d’or, gluantes, qui se déplacent lentement à la surface des feuilles ou des branches mortes ; c’est du protoplasma nu, représentant une phase de la vie d’un champignon du groupe des myxomycètes. Des masses semblables se trouvent souvent dans le tan. Ces masses de protoplasma conviennent très bien par leurs dimensions (elles atteignent plusieurs centimètres de diamètre) à l’étude des propriétés physiques et chimiques du protoplasma, ainsi qu’à celle de ses mouvements. Mais, je le répète, elles ne représentent qu’une phase transitoire de la vie d’un champignon, qui pendant les autres périodes se montre formé de cellules.

Il y a quelques années, M. Hæckel signala l’existence d’organismes qui conservent pendant toute la durée de leur vie la structure si simple dont nous venons de parler, c’est-à-dire qui sont formés uniquement de protoplasma nu et libre ; il leur donna le nom de Monères[1]. L’un de ces organismes, qui fut décrit par M. Huxley, reçut de lui le nom de Bathybius Hæckelii.

Les monériens. L’histoire de cet organisme est assez curieuse, elle a soulevé d’assez vives discussions pour que le lecteur me pardonne de la lui raconter en passant. Il fut trouvé pour la première fois en 1857, pendant les explorations du fond de l’Atlantique, faites en vue de la pose du premier câble transatlantique. Il était mélangé au limon qui forme le sol de la vaste plaine sous-marine étendue entre l’Islande et Terre-Neuve ; il se présentait sous l’aspect d’une masse gélatineuse, hyaline, affectant la forme de mailles très irrégulières et contenant des corpuscules calcaires de diverses sortes. Il ne fut étudié avec quelque soin que beaucoup plus tard, en 1868, par M. Huxley, à l’aide d’échantillons conservés dans l’alcool. Ce zoologiste le décrivit comme constitué par de petites masses de protoplasma « de toute grandeur, depuis des morceaux qu’on distingue à l’œil nu, jusqu’à des particules excessivement ténues, incolores et sans la moindre structure, contenant divers corps étrangers. Vers la même époque, MM. Wyville Thomson et William Carpenter, lors de l’expédition du Porcupine dans le sud de l’Atlantique, observèrent le même organisme, à l’état vivant, dans le limon ramené du fond de l’Océan. Ils le décrivirent comme ayant l’aspect d’un réseau irrégulier, à contours nets, formé d’une substance douée de mouvement. Sir Wyville Thomson,

  1. Voyez, pour l’histoire détaillée de toutes les espèces qui ont été étudiées jusqu’à ce jour : de Lanessan, Traité de zoologie, t. Ier, les Protozoaires, p. 1-38.