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ticules vivantes », de « molécules vivantes », de « parties semblables au tout ». Au-dessus de ces erreurs surnage l’idée, juste au fond, que tous les êtres vivants sont formés par l’agrégation de parties élémentaires, très simples, dans lesquelles résident les propriétés de la vie.

Cette idée ne devait pas tarder à être confirmée, en même temps qu’éclaircie, par les travaux de Mirbel, en France, de Wolff, de Sprengel, de Meyen, de Mohl, de Schleiden et de Schwann, en Allemagne. Au xviiie siècle, l’Allemand Caspard Friedrich Wolff, dont le nom est surtout attaché à la doctrine de l’épigenèse, dont je dirai un mot tout à l’heure, avait soutenu l’idée que les jeunes organes végétaux sont formés d’une substance gélatineuse amorphe, saturée de sucs nutritifs, substance se décomposant en gouttelettes, qui elles-mêmes se réunissaient en cellules.

En 1804, Brisseau de Mirbel admet avec Wolff que les tissus végétaux sont d’abord amorphes et que dans la substance qui les constitue, naissent des vésicules qui, en grandissant, deviennent des cellules, mais il précise cette idée et il décrit avec détail la forme et la disposition des différentes sortes de cellules qui entrent dans la composition des organismes végétaux, si bien qu’on peut le considérer comme le véritable fondateur de l’anatomie végétale. « Toutes les parties du végétal, dit de Mirbel[1], ont été d’abord mucilagineuses et fluides, et ce n’est que par la succession des temps que le tissu est devenu ferme et solide. Cet état de faiblesse est visible dans la graine. L’embryon n’est dans l’origine qu’une goutte de mucilage, où les plus forts microscopes ne font discerner aucune organisation. Cette substance a un coup d’œil vitré. Le contact de l’air et de la lumière la dessèche et la détruit promptement ; ce n’est point, à proprement parler, un fluide, c’est une substance organique semblable, par l’apparence, à la glaire de l’œuf. La substance organisatrice se forme durant tout le temps de l’accroissement ; elle se dépose dans l’endroit où le végétal doit prendre plus de vigueur. Dans les monocotylédones, c’est autour de chaque filet ligneux ; dans les dicotylédones, c’est à la superficie de l’aubier et du canal médullaire : aussi voyons-nous chaque jour les filets ligneux des monocotylédones prendre plus de volume, les couches concentriques des dicotylédones se multiplier, et leur moelle se changer en bois. La substance organisatrice est d’autant plus abondante et se renouvelle avec d’autant plus de facilité, que l’individu est plus jeune et plus sain, qu’il est dans une situation plus favorable et que la saison convient mieux à sa végétation. Insensiblement cette substance prend des formes déterminées. Soit que les fluides y développent par leur impulsion les cellules et les tubes ; soit qu’une puissance inconnue agisse seule et y détermine ces développements ; soit, comme il est probable, que ces deux causes réunies et combinées agissent de concert pour changer en tissu

  1. Traité d’anatomie et de physiologie végétales, an X, t. Ier, p. 91.