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maux et des végétaux est formé par l’agrégation de molécules organiques unies à une petite partie de matière ductile. Cette dernière établit donc une transition entre la matière brute et la matière vivante. Il nous reste à examiner de quelle façon il explique l’accroissement des animaux et des végétaux, et leur perpétuation.

Le développement des êtres vivants d’après Buffon. Les pages qu’il a écrites sur la première de ces questions figurent parmi les plus remarquables de son œuvre. Dans son chapitre relatif à la nutrition et au développement[1], il montre que le développement des animaux et des végétaux est dû à la pénétration, par intussusception, dans toutes les parties de leur organisme, des matériaux fournis par la nutrition ; mais il se trompe, quand il ajoute que les seuls matériaux qui soient susceptibles de servir à cet accroissement sont les molécules organiques contenues dans les aliments.

« Le corps d’un animal, dit-il[2], est une espèce de moule intérieur[3], dans lequel la matière qui sert à son accroissement se modèle et s’assimile au total ; de manière que, sans qu’il arrive aucun changement à l’ordre et à la proportion des parties, il en résulte cependant une augmentation dans chaque partie prise séparément, et c’est par cette augmentation de volume qu’on appelle développement, parce qu’on a cru en rendre raison en disant que l’animal étant formé en petit comme il l’est en grand, il n’était pas difficile de concevoir que ses parties se développaient à mesure qu’une matière accessoire venait augmenter proportionnellement chacune de ses parties. Ce qui prouve que ce développement ne peut pas se faire, comme on se le persuade ordinairement, par la seule addition aux surfaces, et qu’au contraire il s’opère par une susception intime et qui pénètre la masse, c’est que dans la partie qui se développe, le volume et la masse augmentent proportionnellement et sans changer de forme ; dès lors il est nécessaire que la matière qui sert à ce développement pénètre, par quelque voie que ce puisse être, l’intérieur de la partie et la pénètre dans toutes les dimensions, et cependant il est, en même temps, tout aussi nécessaire que cette pénétration de substance se fasse dans un certain ordre et avec une certaine mesure, telle qu’il n’arrive pas plus de substance à un point de l’intérieur qu’à un autre point, sans quoi certaines parties du tout se développeraient plus vite que d’autres, et dès lors la forme serait altérée. » Insistant ici sur son « moule intérieur », il ajoute : « Or, que peut-il y avoir qui prescrive, en

  1. Buffon, t. IV, p. 168.
  2. Ibid., t. IV, p. 168.
  3. Ce terme « une espèce de moule intérieur » montre bien que, comme je l’ai fait observer plus haut, il ne faut pas entendre le « moule intérieur » de Buffon dans son sens vulgaire. Il aurait pu le supprimer sans inconvénient ; il ne s’en sert que comme d’un moyen de traduire sa pensée par l’image d’un objet tangible. Sa pensée, il n’est pas permis d’en douter, est celle-ci : chaque corps a une forme propre, et l’accroissement de ses diverses parties se fait d’une façon si intime que cette forme ne subit aucune modification.