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Dans son mémoire sur la génération, après avoir parlé des spermatozoïdes des animaux, il émet l’opinion que non seulement les spermatozoïdes, mais encore les « corps mouvants qui se trouvent dans la chair infusée des animaux et dans les graines et les autres parties infusées des plantes », c’est-à-dire les infusoires des zoologistes modernes, sont des êtres intermédiaires à la fois aux animaux, aux végétaux et aux minéraux. C’est là une grave erreur, incontestablement, mais elle montre combien Buffon était préoccupé par l’idée de rattacher toutes les formes de la matière les unes aux autres.

Je crois utile de reproduire les pages magnifiques, à plus d’un égard, qu’il écrit à ce propos ; elles montreront quelle puissance de divination il y avait dans ce hardi génie[1]. « On me demandera sans doute pourquoi je ne veux pas que ces corps mouvants (les spermatozoïdes) qu’on trouve dans les liqueurs séminales soient des animaux, puisque tous ceux qui les ont observés les ont regardés comme tels, et que Leeuwenhoek et les autres observateurs s’accordent à les appeler animaux, qu’il ne paraît même pas qu’ils aient eu le moindre doute, le moindre scrupule sur cela. On pourrait me dire aussi qu’on ne conçoit pas trop ce que c’est que des parties organiques vivantes, à moins que de les regarder comme des animalcules, et que de supposer qu’un animal composé de petits animaux est à peu près la même chose que de dire qu’un être organisé est composé de parties organiques vivantes. Je vais tâcher de répondre à ces questions d’une manière satisfaisante.

» Il est vrai que presque tous les observateurs se sont accordés à regarder comme des animaux les corps mouvants des liqueurs séminales, et qu’il n’y a guère que ceux qui, comme Verheyen, ne les avaient pas observées avec de bons microscopes, qui ont cru que le mouvement qu’on voyait dans ces liqueurs pouvait provenir des esprits de la semence qu’ils supposaient être en grande agitation ; mais il n’est pas moins certain, tant par mes observations que par celles de M. Needham sur la semence du calmar, que ces corps en mouvement des liqueurs séminales sont des êtres plus simples et moins organisés que les animaux.

» Le mot animal, dans l’acception où nous le prenons ordinairement, représente une idée générale, formée des idées particulières qu’on s’est faites de quelques animaux particuliers : toutes les idées générales renferment des idées différentes qui approchent ou diffèrent plus ou moins les unes des autres, et par conséquent aucune idée générale ne peut être exacte ni précise ; l’idée générale que nous nous sommes formée de l’animal sera, si vous voulez, prise principalement de l’idée particulière du chien, du cheval et d’autres bêtes qui nous paraissent avoir de l’intelligence, de la volonté, qui semblent se déterminer et se mouvoir suivant cette volonté, et qui de

  1. De la génération des animaux, t. IV, p. 288.