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chimistes considèrent comme simples. Ces derniers, en se mélangeant, donnèrent d’abord naissance à des corps complexes ; puis, en se combinant, ils produisirent des corps chimiquement composés. Ce qui est incontestable, c’est que nous pouvons à volonté, d’une part, produire, à l’aide des corps dits simples, un nombre extrêmement considérable de corps plus ou moins complexes ; d’autre part, modifier les propriétés physiques des corps simples ou composés, en changeant leur état moléculaire, par soustraction ou addition de calorique.

La simple modification de l’état moléculaire et le mélange ne produisent que des corps peu distincts par leurs propriétés de ceux qui leur ont donné naissance, tandis que les propriétés des corps produits par combinaison chimique sont toujours très différentes de celles des éléments qui ont servi à les former. Mélangeons, par exemple, de l’oxygène et de l’hydrogène dans une éprouvette, nous obtiendrons un corps gazeux dont les propriétés rappelleront encore beaucoup celles des deux gaz, sans cependant être tout à fait identiques. Mais si nous déterminons la combinaison chimique des deux gaz par le passage d’une étincelle électrique à travers l’éprouvette qui les contient, nous obtenons un corps liquide, l’eau, dont les propriétés sont totalement différentes de celles des gaz qui entrent dans sa composition. Nous pouvons encore mélanger ou combiner cette eau avec d’autres corps pour obtenir des substances nouvelles. En combinant, par exemple, un certain nombre de molécules d’eau avec des atomes de carbone, nous obtiendrons des substances dites ternaires, c’est-à-dire contenant trois corps simples : l’oxygène, l’hydrogène et le carbone. Ces corps ternaires eux-mêmes nous servent à faire avec l’azote des corps quaternaires, ou à quatre éléments simples, etc.

Nous pouvons même, ainsi que j’ai dit plus haut, modifier profondément les propriétés des corps simples ou composés sans altérer leur composition chimique, en leur enlevant ou en leur donnant de la chaleur, c’est-à-dire en modifiant leur état moléculaire. En voici un exemple bien connu : le soufre en bâton est dur, cassant, coloré en jaune clair, et formé de cristaux octaédriques. Quand on le fait fondre au feu, il se transforme d’abord en un liquide jaune clair, très fluide ; mais, continuons à chauffer ce liquide, nous le verrons bientôt s’épaissir et se colorer en brun. À 250 degrés, il sera assez épais pour qu’on puisse retourner le vase qui le contient sans qu’il s’en échappe. Chauffons encore, et un quatrième état se montrera : le soufre redeviendra liquide. Versons ce liquide dans l’eau, il s’épaissit rapidement, reste mou et peut être étiré en longs fils minces. Abandonné à lui-même à la température des appartements, le soufre mou change encore une fois d’état ; il se durcit peu à peu et prend à peu près les caractères extérieurs qu’il avait avant la série d’expériences que nous venons de faire, mais il perd de la chaleur et se montre formé de prismes. Il diffère donc par sa structure intime du soufre