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ter constamment des vêtements riches et cérémonieux[1]. Les manchettes de Buffon sont restées célèbres. L’histoire en fut imaginée, paraît-il, par le prince de Monaco. La vérité est qu’il apportait dans ses vêtements une grande recherche. Humbert Bazile nous a conservé le détail de son costume. « Sa coiffure, dit-il[2], ne varia jamais ; on lui mettait chaque matin des papillotes passées au fer et on partageait sur ses tempes ses cheveux en trois boudins égaux ; M. de Buffon ne portait pas de perruque ; à la fin de sa vie, il avait encore tous ses cheveux que son perruquier accommodait de même ; seulement il y mettait moins de poudre, car c’était une coquetterie du noble vieillard de laisser ses magnifiques cheveux blancs sans une parure étrangère. Pendant qu’on coiffait M. de Buffon, Limer rangeait les meubles, et enlevait à son maître sa robe de chambre, longtemps la même, faite d’une étoffe de damas à larges fleurs ; il lui lavait les pieds dans un bassin d’argent et lui passait ses vêtements.

» J’ai toujours vu M. de Buffon vêtu ainsi : un habit de velours rouge, une veste de soie mordorée, une bourse fort courte, qui renfermait les cheveux, et d’où partait un ruban moiré qui, retombant sur l’épaule, se perdait dans les dentelles de son jabot ; il conserva l’habitude de porter une chancelière, dans le temps même où ce n’était plus de mode. M. de Buffon aimait la parure ; il ne se mettait au travail qu’après s’être fait accommoder et vêtir comme s’il allait paraître en public. »

Il assistait chaque dimanche à la messe, dans l’église de Montbard, y allait en tenue de gala et se montrait mécontent de ce que son fils renonçât aux vieux costumes de la noblesse pour se vêtir à la mode du jour.

Il apportait à l’entretien de son habitation le même soin qu’à celui de sa personne ; mais, s’il fit de grandes dépenses pour accommoder à son goût sa propriété de Montbard, dans laquelle il passa la plus grande partie de sa vie, il ne paraît pas qu’il y sacrifiât beaucoup au luxe. Le château de Montbard avait appartenu aux ducs de Bourgogne. Il était situé dans la ville même, au pied d’un mamelon isolé dans une plaine étroite et resserré entre des coteaux abrupts. Au moment où Buffon s’y établit, il ne restait de la forteresse que « de vieux remparts détruits par le temps et un donjon seul debout au milieu des ruines. Buffon fit raser le château, ne laissant

  1. Il prétendait qu’un écrivain doit avoir à sa table de travail la dignité qui convient à la postérité pour laquelle il écrit. Il pensait, non sans raison, que le costume fait partie de l’homme. « Nous sommes si fort accoutumés, dit-il dans son Histoire de l’homme (t. XI, p. 50), à ne voir les choses que par l’extérieur, que nous ne pouvons plus reconnaître combien cet extérieur influe sur nos jugements, même les plus graves et les plus réfléchis ; nous prenons l’idée d’un homme et nous la prenons par la physionomie, qui ne dit rien, nous jugeons dès lors qu’il ne pense rien ; il n’y a pas jusqu’aux habits et à la coiffure qui n’influent sur notre jugement ; un homme sensé doit regarder ses vêtements comme faisant partie de lui-même, puisqu’ils en font, en effet, partie aux yeux des autres, et qu’ils entrent pour quelque chose dans l’idée totale qu’on se forme de celui qui les porte. »
  2. Loc. cit., [11].