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entier. D’où nous pouvons conclure, en présence de la multiplicité des mouvements que nous observons, que toute la matière constituante de l’univers, matière pondérable ou matière éthérée, est dans un mouvement incessant, que tout atome de matière est doué d’un mouvement de translation incessant. Mais ce mouvement n’existe pas seul. Le choc des atomes a pour résultat nécessaire de leur imprimer un mouvement de rotation autour d’un axe passant par le centre de leur masse. Pour qu’il en fût autrement, il faudrait que le choc eût lieu dans la direction absolument exacte de la ligne droite joignant les centres de leurs masses, ce qui ne peut être qu’un cas tout à fait spécial. Tout mouvement de translation des atomes a donc fatalement pour corollaire un mouvement de rotation et chaque atome de matière peut être comparé, par la nature de ses mouvements, aux astres gigantesques qui circulent dans l’immensité du ciel en tournant sur eux-mêmes. Il est facile de conclure de cela que plus les atomes pondérables d’un corps seront écartés les uns des autres et plus leur mouvement de translation sera étendu. Leur mouvement de rotation devra de son côté être moins rapide puisque les chocs seront moins fréquents

Les états divers des corps. Ainsi, dans les corps gazeux, où l’écartement atteint son maximum, le mouvement de translation est très étendu, et le mouvement de rotation très faible.

On admet que dans ces corps, les atomes de la matière pondérable suivent dans leur mouvement de translation une trajectoire ouverte, « serpentant indéfiniment dans l’intérieur des corps. La molécule passe librement d’un groupe à l’autre, pénétrant tantôt celui-ci, tantôt celui-là ; subissant des réflexions positives ou négatives, changeant de direction à chaque instant, ayant, en un mot, un mouvement comparable à celui que certains astronomes attribuent aux comètes hyperboliques qui passent d’un système stellaire à un autre[1]. » M. Crookes a montré récemment que quand on raréfie beaucoup un gaz, c’est-à-dire quand on diminue le nombre d’atomes contenus dans un volume déterminé, le mouvement des atomes est modifié ; étant moins nombreux, ils se heurtent moins fréquemment, et lorsqu’ils sont réduits à un nombre suffisamment faible, ils suivent une ligne tout à fait droite, avec une vitesse excessive. « On considère dit Crookes[2], les gaz comme composés d’un nombre presque infini de petites particules ou molécules, lesquelles sont mises en mouvement et animées de vitesse de toutes les grandeurs imaginables. Comme le nombre de ces molécules est extrêmement grand, il s’ensuit qu’une molécule ne peut avancer dans aucune direction sans se heurter presque aussitôt à une autre. Mais si nous retirons d’un vase clos une grande partie de l’air ou du gaz qu’il contient, le nombre des molécules diminue, et la distance qu’une molécule donnée peut parcourir sans se

  1. Secchi, L’unité des forces physiques, p. 66.
  2. Revue scientifique, 1878.