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sion est contemporaine de l’attraction ; mais, agissant en sens contraire, elle tend à éloigner tout ce que l’attraction a rapproché. »

On remarquera l’insistance avec laquelle Buffon affirme que « le mouvement est aussi ancien que la matière », que « la matière n’a jamais existé sans mouvement. » Nous verrons tout à l’heure de quelle importance est ce fait.

Il fait suivre la page que je viens de citer de quelques lignes dans lesquelles se trouve une vue véritablement géniale et qu’il importe de noter ici parce qu’elle contredit ou explique (il me paraît difficile de se prononcer entre ces deux hypothèses) une opinion de Buffon exposée plus haut. On a vu qu’il considérait le feu, la chaleur et la lumière comme des substances matérielles. Dans un autre passage il ne les envisage plus, avec beaucoup de raison, que comme des effets du mouvement. « Le choc, dit-il[1], et toute violente attrition entre les corps, produit du feu en divisant et repoussant les parties de la matière ; et c’est de l’impulsion primitive que cet élément a tiré son origine ; élément lequel seul est actif et sert de base et de ministre à toute force impulsive, générale et particulière, dont les effets sont toujours opposés et contraires à ceux de l’attraction universelle. Le feu se manifeste dans toutes les parties de l’univers, soit par la lumière, soit par la chaleur ; il brille dans le soleil et dans les astres fixes ; il tient encore en incandescence les grandes planètes ; il échauffe plus ou moins les autres planètes et les comètes ; il a aussi pénétré, fondu, enflammé la matière de notre globe, lequel, ayant subi l’action de ce feu primitif, est encore chaud ; et, quoique cette chaleur s’évapore et se dissipe sans cesse, elle est néanmoins très active et subsiste en grande quantité, puisque la température de l’intérieur de la terre, à une médiocre profondeur, est de plus de dix degrés. C’est de ce feu intérieur ou de cette chaleur propre du globe que provient le feu particulier de l’électricité. »

Dégageons ce passage des erreurs de détail qu’il renferme, erreurs déjà signalées et combattues plus haut, et résumons-les : la matière n’a jamais existé sans le mouvement le mouvement est dû à l’attraction ; l’attraction produit le choc ; le choc produit la chaleur ; la chaleur détermine la répulsion dont les effets sont contraires à l’attraction ; enfin, la chaleur se transforme en lumière et produit l’électricité. Là se trouvent les bases de la théorie moderne dite de « l’unité des forces physiques » dont nous parlerons dans un instant, théorie d’après laquelle la chaleur, la lumière, l’électricité, ne sont que des formes diverses d’une seule et même propriété de la matière, le mouvement, et sont susceptibles de se transformer l’une dans l’autre.

Mais revenons à l’attraction. Pour Buffon comme pour Newton, si les corps s’attirent ou se repoussent, c’est-à-dire, si on les voit, eux-mêmes ou leurs

  1. Introduction à l’histoire des minéraux, t. IV, p. 78.