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chasse les feuilles d’or ou d’argent qu’on lui présente avant de les fondre ; et même avant de les échauffer sensiblement. Cette action produite par sa masse est la première, et précède celle de la chaleur ; elle s’opère entre la lumière condensée et les feuilles de métal, de la même façon qu’elle s’opère entre deux autres corps qui deviennent contigus, et par conséquent la lumière a encore cette propriété commune avec toute autre matière ; 5o enfin, on sera forcé de convenir que la lumière est un mixte, c’est-à-dire une matière composée comme la matière commune, non seulement de parties plus grosses et plus petites, plus ou moins pesantes, plus ou moins mobiles, mais encore différemment figurées ; quiconque aura réfléchi sur les phénomènes que Newton appelle les accès de facile réflexion et de facile transmission de la lumière, et sur les effets de la double réfraction du cristal de roche, et du spath appelé cristal d’Islande, ne pourra s’empêcher de reconnaître que les atomes de la lumière ont plusieurs côtés, plusieurs faces différentes, qui, selon qu’elles se présentent, produisent constamment des effets différents. »

Plus loin[1] : « Toute matière peut devenir lumière dès que, toute cohérence étant détruite, elle se trouvera divisée en molécules suffisamment petites, et que ces molécules étant en liberté seront déterminées par leur attraction mutuelle à se précipiter les unes contre les autres : dans l’instant du choc la force répulsive s’exercera, les molécules se fuiront en tous sens avec une vitesse presque infinie, laquelle néanmoins n’est qu’égale à leur vitesse acquise au moment du contact… Et de même, que toute matière peut se convertir en lumière par la division et la répulsion de ses parties excessivement divisées lorsqu’elles éprouvent un choc des unes contre les autres, la lumière peut aussi se convertir en toute autre matière par l’addition de ses propres parties, accumulées par l’attraction des autres corps. Nous verrons, dans la suite, que tous les éléments sont convertibles ; et si l’on a douté que la lumière, qui paraît être l’élément le plus simple, pût se convertir en substance solide, c’est que d’une part, on n’a pas fait assez d’attention à tous les phénomènes, et que d’autre part on était dans le préjugé, qu’étant essentiellement volatile, elle ne pouvait jamais devenir fixe. Mais n’avons-nous pas prouvé que la fixité et la volatilité dépendent de la même force, attractive dans le premier cas, devenue répulsive dans le second ? Et dès lors ne sommes-nous pas fondés à croire que ce changement de la matière fixe en lumière, et de la lumière en matière fixe, est une des plus fréquentes opérations de la nature ? »

Il considère la lumière, la chaleur et le feu comme « trois choses différentes ». « Dans le point de vue général, dit-il[2], la lumière, la chaleur et le feu ne font qu’un seul objet, mais dans le point de vue particulier ce sont

  1. Introduction à l’histoire des minéraux, t. II, p. 219.
  2. Ibid., t. II, p. 220.