Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà soulevées au voisinage du pôle nord et qu’elles s’étaient couvertes de glaces dont l’action se faisait sentir d’autant plus sur tous les continents septentrionaux que ces derniers n’étaient pas réchauffés comme de nos jours par le rayonnement de continents intertropicaux. Cette période glaciaire dut avoir une très longue durée, car l’Europe était alors peuplée d’animaux qui tous recherchent les régions les plus froides, comme le renne, le chamois, la marmotte, etc. Mais les autres terres devaient jouir en même temps d’une température assez douce, sinon chaude, car les hyènes, les chats, les éléphants et les rhinocéros y vivaient en grand nombre dans des forêts de conifères et de dicotylédones. Quant aux fossiles qu’on trouve dans les parties des continents qui furent alors couvertes par la mer dite Diluvienne, ils sont composés d’un mélange d’espèces de mers arctiques et d’espèces de mers tempérées ; les dépôts minéraux sont d’ailleurs peu abondants ; ils sont formés de vases argileuses ou lehm, de graviers, de tuf calcaire et de tourbe. Parmi les sédiments d’eau douce il faut signaler celui auquel on a donné le nom de loess ; il est formé d’un sable très fin agglutiné en une roche friable, colorée en brun jaunâtre clair ; le loess est souvent riche en ossements de mammifères et en coquilles de mollusques terrestres ou fluviatiles. Il a été manifestement formé par le dépôt de sables entraînés par les fleuves. Quand le lehm et le loess existent dans la même localité, il est aisé de se convaincre que le loess est le plus récent des deux. C’est dans le lehm et dans les graviers que l’on trouve, répandus sur toute l’étendue des continents diluviens, les squelettes de l’Ursus spelœus, de l’Elephas primigenius, du Rhinoceros tichorhinus, etc. Ces débris se sont surtout accumulés dans les cavernes dites à ossements, dans lesquelles on trouve fréquemment les marques de l’action de l’homme sur les os des grands mammifères. Dans la grotte de Gailenreult, en Allemagne, on a trouvé les os de plus de huit cents individus appartenant à l’espèce Ursus spelœus, mélangés avec des os d’hyènes, de chats, de rhinocéros, de bœufs, de cerfs, etc. Les cavernes de la France contiennent un grand nombre d’os de rennes. Enfin, ajoutons que l’existence de l’homme à l’époque glaciaire n’est plus mise en doute par personne.

Il est difficile de déterminer la durée de cette époque. Elle fut sans doute extrêmement longue et ne dut prendre fin qu’après que les régions septentrionales de l’Europe, s’étant soulevées, arrêtèrent les glaces venues du pôle nord. C’est après ce soulèvement que commence ce que j’appellerais volontiers la phase contemporaine de l’histoire de la terre, phase pleine d’intérêt à tous les points de vue, mais dont l’histoire, même très succincte, serait déplacée ici.

Phase contemporaine. Au début de cette phase, toutes les formes principales des animaux terrestres et aquatiques existaient ; l’homme lui-même avait fait son apparition. Il est même permis d’affirmer que dès la fin de la période tertiaire il existait