Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terres ou n’en présenteraient qu’une petite quantité. Il faut ajouter que si l’eau tend par sa nature même à uniformiser sa température par suite des courants qui s’y forment, elle absorbe une grande partie de la chaleur qu’elle reçoit. Les continents agissent d’une toute autre façon, ils réfléchissent la chaleur et la répandent dans l’atmosphère. « L’effet de la terre ferme sous le rayon solaire, dit Herschel[1], est de repousser la chaleur dans l’atmosphère et de la distribuer ainsi que toute la surface terrestre par le pouvoir conducteur de l’atmosphère. L’eau ne produit pas le moindre effet, la chaleur pénétrant les profondeurs du liquide et s’y trouvant absorbée, la surface des eaux n’acquiert jamais une température très élevée, même sous l’équateur. » On voit par là que le maximum de chaleur moyenne du globe serait obtenu si tous les continents étaient disposés entre les tropiques, c’est-à-dire dans la région qui reçoit le plus de chaleur solaire, tout le reste de la terre étant couvert par la mer ; tandis que l’on aurait le maximum de froid si tous les continents étaient placés au niveau des deux pôles. Dans le premier cas, en effet, la chaleur solaire reçue par les continents intertropicaux serait réfléchie dans l’atmosphère et distribuée par les courants marins dans toutes les autres parties du globe, jusqu’au voisinage des pôles qui n’offriraient probablement jamais de glaces. Dans le second, au contraire, le froid des glaces se répandrait par les courants de la mer et par le transport des icebergs jusqu’au voisinage des tropiques, tandis que les mers situées entre ces derniers absorberaient la majeure partie de la chaleur reçue.

C’est, sans nul doute, dans la distribution des continents à la surface du globe qu’il faut chercher les raisons principales des différences considérables qui ont existé dans la température moyenne de la terre aux diverses époques de son évolution. Il est notamment permis de croire que pendant les époques archaïque et paléozoïque, alors qu’un climat tempéré régnait jusque dans le voisinage du pôle sud, il y avait entre les tropiques plus de terres que de nos jours. Les îles à coraux du Pacifique sont peut-être les derniers restes des vastes continents qui occupaient alors cette région. L’Atlantique devait aussi offrir un continent étendu entre l’Amérique et l’Europe, tandis que les pôles et surtout le pôle antarctique étaient probablement plus riches en mers et plus pauvres en terres.

C’est par la présence d’un continent très étendu au niveau du pôle sud qu’on explique généralement le froid intense et constant dont nous avons parlé plus haut, froid qui se fait sentir pendant toute l’année jusqu’à la hauteur du 60e degré de latitude sud. Le froid est si intense dans toute cette région que les terres antarctiques ne présentent presque pas de végétaux ni d’animaux et qu’elles sont absolument inhabitées, même par 64 degrés (Terres de Graham et d’Enderby), tandis que dans l’hémisphère nord, sous

  1. Astronomie, p. 236.