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Cause de l’uniformité et de l’élévation de la température pendant la phase primaire. Il reste à établir les causes de l’uniformité et de l’élévation de la température de l’âge primaire. Cette question est assez importante, pour que nous nous y arrêtions un instant. Faut-il, à l’exemple de Buffon, attribuer ce fait à ce que la terre elle-même était alors plus chaude qu’aujourd’hui ? La plupart des géologues de ce siècle l’ont pensé et le pensent encore ; cette opinion est formulée dans la plupart des livres classiques et enseignée dans la plupart des chaires. Rien cependant n’en démontre l’exactitude, tandis qu’une foule de faits permettent de penser que depuis l’époque de la première apparition des êtres vivants sur le globe, la température générale de ce dernier ne s’est pas modifiée d’une manière perceptible ; or notre histoire géologique de la terre ne commence pas au delà de l’apparition des êtres vivants ; il est même à peu près certain qu’elle ne remonte pas jusqu’à une époque aussi reculée. Si la terre avait joui pendant les périodes archaïque et paléozoïque d’une température propre beaucoup supérieure à celle qu’elle possède aujourd’hui, il n’est pas douteux que ses habitants auraient offert des caractères tout à fait distincts de ceux qu’ils présentent de nos jours. Or il n’en est rien. Les différences que l’on constate entre les fossiles des périodes les plus reculées et les espèces actuelles ne sont pas assez importantes pour faire admettre des conditions cosmiques tout à fait différentes. Il est donc permis de penser que pendant l’âge primaire la chaleur intérieure, la chaleur propre du globe, n’était pas plus sensible à la surface qu’elle ne l’est de nos jours et que par conséquent la distribution de la température était due aux mêmes causes qui y président actuellement.

Lignes isothermes. Il ne me reste donc qu’à rechercher ces causes et à étudier leur mode d’action. Humboldt est le premier qui ait attiré l’attention sur les faits qui ont été le point de départ de toutes les recherches dont nous allons parler[1]. Dans son Mémoire sur les lignes isothermes, paru au début de ce siècle, il établissait, par des observations dues en partie à ses prédécesseurs et en partie à lui-même, qu’un grand nombre de points du globe situés sous des latitudes très différentes présentent une température semblable et il s’efforça d’établir les circonstances auxquelles est dû ce fait. En 1848, il publia avec la collaboration de Dove une carte des lignes isothermes qui eut un grand retentissement et qui sert encore de base à toutes celles que l’on établit en vue du même objet. Un simple coup d’œil jeté sur cette carte suffit pour montrer l’énorme différence qui existe entre les lignes isothermes et les lignes marquant les latitudes. Tandis que des points du globe situés exactement sous la même latitude, et, par conséquent, soumis aux mêmes conditions par rapport à la chaleur du soleil, jouissent de températures très différentes, d’autres points situés sous des latitudes très écartées sont rattachés par une même ligne isotherme, c’est-à-dire jouissent de la même température. Il

  1. Sur les lignes isothermes, in Mémoires de la Société d’Arcueil, t. III.