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si cette présomption est fondée, le circuit et l’étendue de ces glaces, loin de diminuer, ne pourront qu’augmenter avec le refroidissement de la terre. »

La théorie de Buffon est, on le voit, fort simple. D’abord entièrement incandescente, la terre se refroidit peu à peu, elle se recouvre d’un océan d’eau bouillante qui subit un refroidissement semblable ; les pôles atteignant les premiers une température compatible avec la vie, c’est dans leur voisinage que naissent les premiers végétaux et les premiers animaux terrestres, et aussi les premiers hommes ; ils sont déjà peuplés depuis longtemps, que l’équateur jouit encore d’une température trop élevée pour que les animaux et les végétaux y puissent vivre. Mais, le refroidissement continuant à se produire, les pôles deviennent trop froids pour les êtres qui les peuplent et ceux-ci descendent vers l’équateur dont la température est devenue supportable. La marche du refroidissement est continue ; les pôles deviennent chaque jour de plus en plus inhabitables, ils finissent par l’être tout à fait et leurs glaces envahissent peu à peu le reste de la terre.

L’opinion admise par les successeurs immédiats de Buffon n’est pas très différente, du moins en ce qui concerne le passé. Pendant toute la première partie de ce siècle, les géologues ont pensé que les pôles avaient joui autrefois d’une température tropicale. Ils en trouvaient la preuve dans l’existence des fougères arborescentes si abondantes pendant la période carbonifère et dont les semblables ou, du moins, les analogues, vivent aujourd’hui dans des régions chaudes et humides. Les reptiles du carbonifère fournissaient un deuxième argument, car les espèces actuelles, voisines des espèces fossiles, vivent toutes sous les tropiques. On remarqua cependant que les fougères et autres cryptogames vasculaires du terrain houiller étaient accompagnées dans le Nord d’espèces aquatiques qui vivent volontiers dans des eaux tempérées et l’on en vint peu à peu à admettre que les régions septentrionales avaient joui pendant les périodes archaïque et paléozoïque d’une température chaude et humide, mais non pas nécessairement tropicale. Certains géologues même se fondant sur ce que une chaleur intense est peu favorable à la formation des houillères et des tourbières admirent que les tropiques eux-mêmes étaient peut-être moins chauds pendant les époques primitives que de nos jours. Mais il est un point sur lequel tout le monde est aujourd’hui d’accord : on admet que pendant la phase primaire de l’histoire de notre globe, la température était chaude, humide et uniforme. Quelques-uns cependant croient qu’il a existé pendant la période permienne des glaciers sur une partie de l’Europe. On a signalé en Angleterre, dans les formations permiennes, l’existence de cailloux de grès et de granit anguleux, marqués des stries parallèles caractéristiques des pierres transportées par les glaciers. Cependant, en admettant qu’il n’y ait pas d’erreur d’observation, il paraît certain que ces glaciers permiens ont été très localisés, et que leur existence n’a été que passagère.