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toujours horizontal de l’eau ; et la seconde, la disposition des matières végétales, qui tendent à faire des feuillets. Au surplus, ce sont les morceaux de bois, souvent entiers, et les détriments très reconnaissables d’autres végétaux, qui prouvent évidemment que la substance de ces charbons de terre n’est qu’un assemblage de débris de végétaux liés ensemble par des bitumes.

» La seule chose qui pourrait être difficile à concevoir, c’est l’immense quantité de débris de végétaux que la composition de ces mines de charbon suppose, car elles sont très épaisses, très étendues, et se trouvent en une infinité d’endroits : mais si l’on fait attention à la production peut-être encore plus immense de végétaux qui s’est faite pendant vingt ou vingt-cinq mille ans, et si l’on pense en même temps que l’homme n’étant pas encore créé, il n’y avait aucune destruction des végétaux par le feu, on sentira qu’ils ne pouvaient manquer d’être emportés par les eaux, et de former en mille endroits différents des couches très étendues de matière végétale ; on peut se faire une idée en petit de ce qui est alors arrivé en grand : quelle énorme quantité de gros arbres certains fleuves, comme le Mississipi, n’entraînent-ils pas dans la mer ! Le nombre de ces arbres est si prodigieux, qu’il empêche dans certaines saisons la navigation de ce large fleuve : il en est de même sur la rivière des Amazones et sur la plupart des grands fleuves des continents déserts ou mal peuplés. On peut donc penser, par cette comparaison, que toutes les terres élevées au-dessus des eaux étant dans le commencement couvertes d’arbres et d’autres végétaux que rien ne détruisait que leur vétusté, il s’est fait dans cette longue période de temps des transports successifs de tous ces végétaux et de leurs détriments, entraînés par les eaux courantes du haut des montagnes jusqu’aux mers. Les mêmes contrées inhabitées de l’Amérique nous en fournissent un autre exemple frappant : on voit à la Guiane des forêts de palmiers lataniers de plusieurs lieues d’étendue, qui croissent dans des espèces de marais qu’on appelle des savanes noyées, qui ne sont que des appendices de la mer : ces arbres, après avoir vécu leur âge, tombent de vétusté et sont emportés par le mouvement des eaux. Les forêts, plus éloignées de la mer et qui couvrent toutes les hauteurs de l’intérieur du pays, sont moins peuplées d’arbres sains et vigoureux que jonchées d’arbres décrépits et à demi pourris : les voyageurs qui sont obligés de passer la nuit dans ces bois ont soin d’examiner le lieu qu’ils choisissent pour gîte, afin de reconnaître s’il n’est environné que d’arbres solides, et s’ils ne courent pas risque d’être écrasés pendant leur sommeil par la chute de quelque arbre pourri sur pied ; et la chute de ces arbres en grand nombre est très fréquente : un seul coup de vent fait souvent un abatis si considérable, qu’on en entend le bruit à de grandes distances. Ces arbres roulant du haut des montagnes en renversent quantité d’autres, et ils arrivent ensemble dans les lieux les plus bas, où ils achèvent