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voit dans la pierre qui se tire derrière l’Hôpital général à Paris, ont été formées par des eaux vives et courantes longtemps après que la mer a laissé notre continent à découvert ; et néanmoins, la plupart des autres, dans lesquelles on ne trouve aucune de ces coquilles fluviatiles, sont encore plus récentes. Voilà donc trois dates de formation bien distinctes : la première et plus ancienne est celle de la formation des pierres dans lesquelles on voit des coquilles ou des impressions de coquilles marines, et ces anciennes pierres ne présentent jamais des impressions de coquilles terrestres ou fluviatiles ; la seconde formation est celle de ces pierres mêlées de petites vis et limaçons fluviatiles ou terrestres ; et la troisième sera celle des pierres qui, ne contenant aucunes coquilles marines ou terrestres, n’ont été formées que des détriments et des débris réduits en poussière des unes ou des autres. »

Ces considérations sont, en partie, justes. Il importe de distinguer les formations calcaires marines des formations d’eau douce, et toutes les deux des formations ultérieures dues à la dissociation ou à la dissolution des deux premières, par l’eau qui va déposer ailleurs du carbonate de chaux amorphe. Mais il faut ajouter que chaque âge de la terre a vu se produire un ou plusieurs grands dépôts de roches calcaires. Dès le premier âge géologique connu, dans les formations laurentiennes, on trouve un calcaire cristallin s’intercalant au gneiss en couches de 3 à 400 mètres d’épaisseur, et se faisant remarquer par sa richesse en minéraux accessoires (grenat, épidote, zircon, tourmaline, etc.). Dans beaucoup de localités, il est dolomitique et passe même, dans certains points, à la dolomie véritable. C’est dans le calcaire cristallin des formations laurentiennes du Canada, de l’Écosse et de la Bavière que l’on a trouvé les concrétions connues sous le nom d’Eozoon canadense, considérées par beaucoup de paléontologistes comme un foraminifère et comme le fossile le plus ancien que nous connaissions.

Dans les séries huroniennes du premier âge, on trouve encore des masses puissantes de calcaires plus ou moins cristallins, blancs, gris ou rouges, souvent dolomitiques. Près de la limite inférieure de la série huronienne du Michigan, on trouve un groupe de calcaires dolomitiques atteignant 600 à 1 000 mètres d’épaisseur, très nettement stratifiés et alternant, en certains points, avec de minces lits de quartzite. Il est permis de supposer que tous les calcaires des formations archaïques sont d’origine animale et que la structure plus ou moins cristalline qu’ils présentent n’est due qu’aux transformations qu’ils ont subies depuis cette époque reculée. Quoique les formations archaïques ne présentent qu’un petit nombre de fossiles (l’Eozoon canadense dans les formations laurentiennes, quelques graptolithes, de très rares débris de crinoïdes et un petit nombre de fucoïdes dans les formations huroniennes), ces fossiles appartiennent à des espèces animales et végétales suffisamment élevées, pour qu’on soit obligé d’admettre que le règne animal et le règne végétal dataient déjà de plusieurs milliers et même de plusieurs