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car toutes les pierres et craies disposées et déposées en couches horizontales par les eaux de la mer ne sont, en effet, formées que de ces coquilles ou de leurs débris réduits en poudre, et il n’existe aucun autre agent, aucune autre puissance particulière dans la nature qui puisse produire la matière calcaire, dont nous devons par conséquent rapporter la première origine à ces êtres organisés. »

Buffon considérait, on le voit, tous les terrains calcaires comme formés par les débris des tests d’animaux. Il suffit de se rapporter à ce qui a été dit plus haut sur ce sujet pour se convaincre qu’il n’était pas tout à fait dans le vrai ; nous avons vu que quelques formations de carbonate de chaux, comme les travertins de la campagne de Rome, ont été déposées directement par les eaux. Mais ces cas sont rares, et la plupart des calcaires peuvent être considérés comme d’origine animale. Les animaux puisent dans le sol ou dans l’eau le bicarbonate de chaux dissout ; ils éliminent une partie de l’acide carbonique et déposent, dans leurs tissus ou à la surface de leurs téguments, du carbonate de chaux insoluble.

Principales formations calcaires. Un coup d’œil jeté sur les principales formations calcaires de notre globe ne sera pas inutile. Buffon admettait trois sortes de formations calcaires auxquelles il attribuait des âges différents. « Dans les amas immenses de cette matière toute composée des débris des animaux à coquilles, nous devons d’abord, dit-il[1], distinguer les grandes couches, qui sont d’ancienne formation, et en séparer celles qui, ne s’étant formées que des détriments des premières, sont à la vérité d’une même nature, mais d’une date de formation postérieure ; et l’on reconnaîtra toujours leurs différences par des indices faciles à saisir. Dans toutes les pierres d’ancienne formation, il y a toujours des coquilles ou des impressions de coquilles et de crustacés très évidentes, au lieu que, dans celles de formation moderne, il n’y a nul vestige, nulle figure de coquilles : ces carrières de pierres parasites, formées du détriment des premières, gisent ordinairement au pied ou à quelque distance des montagnes et des collines, dont les anciens bancs ont été attaqués dans leur contour par l’action de la gelée et de l’humidité ; les eaux ont ensuite entraîné et déposé dans les lieux plus bas toutes les poudres et les graviers détachés des bancs supérieurs, et ces débris stratifiés les uns sur les autres par le transport et le sédiment des eaux ont formé ces lits de pierres nouvelles où l’on ne remarque aucune impression de coquilles, quoique ces pierres de seconde formation soient, comme la pierre ancienne, entièrement composées de substance coquilleuse.

» Et dans ces pierres de formation secondaire, on peut encore en distinguer de plusieurs dates différentes, et plus ou moins modernes ou récentes : toutes celles, par exemple, qui contiennent des coquilles fluviatiles, comme on en

  1. De la pierre calcaire, t. II, p. 552.