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doute, dont le résultat est la formation du sulfate de chaux. Celui-ci est entraîné à la surface par l’eau souterraine, porté dans les fleuves et les lacs, puis déposé en couches sédimentaires, repris par les eaux souterraines, etc. Carrières de gypse et mines de sel gemme sont donc le produit de causes qui agissent de la même façon aujourd’hui qu’aux époques les plus reculées de l’histoire de la terre, et probablement avec la même intensité.

Il me serait facile, passant en revue successivement toutes les roches sédimentaires analogues par leur composition chimique à celles dont je viens de parler, de montrer que toutes ont été formées par des procédés actuellement observables ; mais les détails de cette étude m’entraîneraient hors du cadre dans lequel il est nécessaire que je me renferme. Je me bornerai à parler encore des roches calcaires, parce que des questions du plus haut intérêt se rattachent à leur histoire, et parce que cette histoire me servira de transition vers celle de certaines productions animales et végétales.

Roches calcaires.
Leurs origines.
Buffon avait admirablement compris l’importance des substances calcaires au double point de vue de l’histoire de la terre et de celle des organismes vivants. « La formation des pierres calcaires, dit-il[1], est l’un des plus grands ouvrages de la nature : quelque brute que nous en paraisse la matière, il est aisé d’y reconnaître une forme d’organisation actuelle et des traces d’une organisation antérieure bien plus complète dans les parties dont cette matière est originairement composée. Ces pierres ont, en effet, été primitivement formées du détriment des coquilles, des madrépores, des coraux et de toutes les autres substances qui ont servi d’enveloppe ou de domicile à ces animaux infiniment nombreux, qui sont pourvus des organes nécessaires pour cette production de matière pierreuse ; je dis que le nombre de ces animaux est immense, infini, car l’imagination même serait épouvantée de leur quantité si nos yeux ne nous en assuraient pas en nous démontrant leurs débris réunis en grandes masses, et formant des collines, des montagnes et des terrains de plusieurs lieues d’étendue. Quelle prodigieuse pullulation ne doit-on pas supposer dans tous les animaux de ce genre ! Quel nombre d’espèces ne faut-il pas compter, tant dans les coquillages et crustacés actuellement existants, que pour ceux dont les espèces ne subsistent plus et qui sont encore de beaucoup plus nombreux ! Enfin, combien de temps et quel nombre de siècles n’est-on pas forcé d’admettre pour l’existence successive des unes et des autres ! Rien ne peut satisfaire notre jugement à cet égard, si nous n’admettons pas une grande antériorité de temps pour la naissance des coquillages[2] avant tous les autres animaux, et une multiplication non interrompue de ces mêmes coquillages pendant plusieurs centaines de siècles,

  1. De la pierre calcaire, t. II, p. 551.
  2. Nous aurons l’occasion de dire un peu plus bas qu’un groupe d’animaux beaucoup plus ancien et plus simple que celui de « coquillages », a joué un rôle de premier ordre dans la formation des terrains calcaires.