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Sel gemme. comme il le fait aujourd’hui dans la mer Morte et dans le grand lac Salé de l’Amérique du Nord. L’observation démontre que dans un vase à large surface rempli d’eau salée, l’évaporation ne tarde pas à rendre la proportion de sel plus grande dans les couches superficielles ; ces couches, étant devenues plus denses, tombent dans le fond ; le même fait se reproduisant sans discontinuité, la salure est toujours plus grande dans le fond du vase qu’à la superficie ; et dès que les couches profondes du liquide sont saturées de sel, celui-ci se dépose. Les mêmes phénomènes se produisent manifestement dans toutes les mers intérieures, dans celles surtout qui reçoivent des ruisseaux riches en chlorure de sodium, sans avoir de canaux de déversement, comme c’est le cas pour la mer Morte. Dans le fond de ces mers, il se forme d’une façon presque continue un dépôt de sel. La mer Morte fournit un excellent exemple de ce fait. Le Jourdain, qui est son unique affluent, lui apporte une eau très riche en chlorure de sodium et de magnésium (52 parties de chlorure de magnésium et 25 parties de chlorure de sodium pour 100 000 parties d’eau), tandis qu’aucun cours d’eau ne sort de cette mer, dont le niveau ne se maintient que par évaporation. Le degré de salure de la mer Morte augmente donc sans cesse, et sans cesse aussi les couches profondes de ses eaux déposent leur excédent de sels dans le lit de la mer.

L’expérience indique un autre phénomène qui ne manque pas non plus d’intérêt. On a constaté que quand l’eau d’un vase à large surface contient à la fois du chlorure de sodium et du sulfate de chaux, celui-ci se dépose le premier. Cela explique pourquoi dans presque toutes les mines de sel gemme on trouve au-dessous des couches de chlorure de sodium des couches plus ou moins épaisses de gypse et d’anhydrite. Quand l’eau contient non seulement du sulfate de chaux et du chlorure de sodium, mais aussi du chlorure de magnésium, le sulfate de chaux se dépose le premier, le chlorure de sodium se dépose ensuite, tandis que le chlorure de magnésium persiste à l’état de solution. Ajoutons que sa présence en certaines proportions diminue le pouvoir dissolvant de l’eau par rapport au chlorure de sodium, de telle sorte que le dépôt de ce dernier s’effectue plus facilement que quand il est seul. La mer Morte nous présente en grand cette expérience ; le sulfate de chaux s’est déposé le premier, puis le chlorure de sodium a commencé à se déposer, et son dépôt continue à se faire, quoique sa proportion ne s’élève qu’à 8 ou 15 p. 100, parce que le chlorure de magnésium, maintenu à l’état de dissolution, augmente sans cesse.

Des phénomènes semblables se passent dans les lacs Elton et Bodgo, situés entre l’Oural et le Volga, lacs qui sont alimentés par des cours d’eau issus du mont Tschaptschatschi, qui contient de riches mines de sel gemme. Les ruisseaux qui sortent de cette montagne contiennent une forte proportion de chlorures de sodium, de potassium, de magnésium et de sulfate de chaux. Pendant l’été, ils roulent, en outre, une assez forte proportion de boue. De