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l’histoire des transformations subies par la surface de la terre ; elles sont les monuments dressés par les âges passés pour conserver le souvenir des hauts faits de la nature.

Au point de vue de la structure et de la composition, en négligeant pour le moment leur origine et leur mode de formation, toutes les roches sédimentaires observables à la surface de la terre rentrent dans les deux grandes catégories suivantes : dans les unes, c’est la silice qui domine, elles sont fusibles ou, selon l’expression très heureuse de Buffon, vitrifiables ; les autres ont pour base la chaux, la magnésie ou la soude, elles sont calcinables.

Dans la première catégorie figurent les sables, les grès, les argiles et les schistes argileux, les tufs et les conglomérats.

Riches sédimentaires à base de silice. Disons un mot de chacune de ces roches. Les sables se présentent en couches plus ou moins épaisses, friables et dissociables en grains siliceux tout sédimentaires à fait semblables à ceux des sables qui couvrent actuellement nos plages. On y trouve habituellement des coquilles intactes, ou roulées, ou brisées en fragments à angles et bords arrondis. Tous les caractères de ces sables indiquent qu’ils ont eu une origine semblable à celle des sables actuels. Or, d’après ce que nous avons dit plus haut, ces derniers proviennent de roches siliceuses qui ont été brisées en fragments d’abord anguleux, emportés par les eaux, roulés, arrondis, brisés par des frottements et des chocs incessants, charriés de ruisseaux en ruisseaux, de rivières en rivières, portés à la mer qui les roule sur ses plages, les broie, les use et finalement les dépose sur ses bords.

N’est-il pas naturel de conclure de la similitude des caractères à la communauté d’origine ? Et ne devons-nous pas supposer que là où nous trouvons les sables anciens avec des débris de coquilles roulées, il y a eu jadis le rivage d’une mer semblable aux nôtres, agitée comme les nôtres par les marées, les courants et les vents, recevant comme les nôtres des galets, des graviers et des sables déjà roulés par les fleuves et destinés à l’être encore par les vagues jusqu’à ce que des dépôts nouveaux, en se formant au-dessus des premières assises, leur donnent un repos que la pioche de l’homme troublera seul désormais.

Des sables anciens on passe facilement aux grès. La moindre observation des diverses sortes les plus communes de grès suffit pour rendre manifeste leur origine, et pour amener la conviction que les grès ne sont pas autre chose que des sables à grains fins fortement adhérents en une masse compacte et dure. Il n’est pas rare de rencontrer, dans les sables de Fontainebleau, des blocs de grès dont la surface tendre et sablonneuse se laisse dissocier par l’ongle, sans efforts, en grains tout à fait semblables au sable du voisinage, tandis que le centre est très dur, brillant et compact. Est-il nécessaire pour expliquer la formation de ces grès d’admettre des causes mystérieuses, des révolutions, des secousses violentes ? Pas le moins du