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qu’on voulait l’obliger à chanter dans les chœurs. Autre aventure : un jeune trésorier, que bien vous connaissez, eut dimanche un soufflet au bal, qu’on dit qu’il reçut bénignement ; il n’y avait heureusement que deux dames et cinq p...., les deux premières furent obligées d’en sortir, parce qu’on exploitait les autres derrière leur dos. »

De Paris, le 25 janvier 1743. « Toutes les comédiennes ont des rhumes, des fluxions ou des ch... p.... Cela nous prive de la représentation des pièces nouvelles. Piron attend l’hiver prochain pour donner Montézume, à cause de Mlle Gaussin, qui a une ou deux de ces incommodités. »

Dans quelques lettres confidentielles, il ne ménage pas plus les grands hommes de son temps que les grandes actrices. « Il me semble (écrit-il au président de Brosses, le 11 février 1761) que, depuis que Voltaire réside en Bourgogne, il est devenu furieusement babillard. Voyez seulement son épître à Mme Pompadour, sa réponse à M. Déodatie, ses missives au sujet du roman de Rousseau, dans lequel, par parenthèse, je trouve aussi bien du rabâchage, et vous m’avouerez que nos beaux esprits sont plus abondants que jamais, je ne dis pas en idées, mais en paroles. Mes mauvais yeux m’empêchent de lire, et ceci m’en dégoûte. »

Le 7 mars 1768, il écrit au même : « Comme je ne lis aucune des sottises de Voltaire, je n’ai su que par mes amis le mal qu’il a voulu dire de moi ; je lui pardonne comme un mal métaphysique qui ne réside que dans sa tête, et qui vient d’une association d’idées de Needham et Buffon. Il est irrité de ce que Needham m’a prêté ses microscopes et de ce que j’ai dit que c’était un bon observateur. Voilà son motif particulier, qui, joint au motif général et toujours subsistant de ses prétentions à l’universalité et de sa jalousie contre toute célébrité, aigrit sa bile recuite par l’âge, en sorte qu’il semble avoir formé le projet de vouloir enterrer de son vivant tous ses contemporains. Il sera tout aussi fâché contre vous dès qu’il vous verra à l’Académie, et j’espère que nous lui donnerons ce chagrin dans peu, quoique toute notre vieillesse académique ait l’air de tenir bon. »

Il écrit à Mme Necker le 16 juillet 1782 : « Connaissez-vous, ma trop indulgente amie, une assez bonne et plaisante critique du Poème des Jardins, par le comte de Barruel ? Je n’y trouve qu’une méprise, c’est qu’il met Saint-Lambert fort au-dessus de l’abbé Delille et de Roucher, tandis que tous trois me paraissent être de niveau. Je ne suis pas poète ni n’ai voulu l’être, mais j’aime la belle poésie ; j’habite la campagne, j’ai des jardins, je connais les saisons, et j’ai vécu bien des mois ; j’ai donc voulu lire quelques chants de ces poèmes si vantés des Saisons, des Mois et des Jardins. Eh bien, ma discrète amie, ils m’ont ennuyé, même déplu jusqu’au dégoût, et j’ai dit dans ma mauvaise humeur : « Saint-Lambert, au Parnasse, n’est qu’une froide grenouille, Delille un hanneton, et Roucher un oiseau de nuit. » Aucun d’eux n’a su, je ne dis pas peindre la nature, mais même présenter un seul trait bien