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aux points par lesquels jaillissent des sources riches en carbonate de chaux. Il est donc permis de supposer, quoique cela ne soit pas absolument démontré par des observations précises, que les animaux et les végétaux ne fabriquent pas eux-mêmes le carbonate de chaux qui si souvent incruste leurs enveloppes ou leurs tissus, mais qu’ils l’empruntent au sol ou à l’eau. Une grande partie du carbonate de chaux que l’on trouve dans l’eau à l’état de dissolution provient manifestement du sol. L’eau chargée d’acide carbonique qui pénètre dans le sol transforme le carbonate en bicarbonate, qui est soluble, et le ramène sous cet état à la surface ; le carbonate de chaux du sol provient, au moins en grande partie, des tests des animaux des âges antérieurs ; il y aurait donc simplement changements successifs de bicarbonate soluble en carbonate insoluble, et de carbonate insoluble en bicarbonate soluble. Se forme-t-il directement dans le sol du carbonate ou du bicarbonate ? La quantité absolue de l’un ou de l’autre augmente-t-elle chaque jour ou est-elle constante ? On comprend combien il est difficile de répondre à cette question d’une manière positive ; cependant, rien n’empêche d’admettre que l’oxygène de l’air se combine ou se soit jadis combiné, dans la profondeur du sol, avec le calcium, que nulle part on ne trouve aujourd’hui à l’état de pureté, pour former un oxyde de calcium ; celui étant très avide d’eau a dû s’emparer, aussitôt après sa formation, de celle qui s’est trouvée à son contact pour former de la chaux ; celle-ci, à son tour, ne manque jamais dans le sol de l’acide carbonique nécessaire à la production de carbonate ou de bicarbonate de chaux. Rien n’empêche donc de supposer que le carbonate de chaux a précédé sur la terre l’apparition des animaux.

Quelle que soit la solution de cette intéressante et difficile question, le carbonate de chaux est l’un des corps qui jouent le plus grand rôle dans les actions réparatrices et édificatrices de l’eau, soit que l’eau l’abandonne directement dans le fond des mers, soit que les animaux le prennent à l’eau pour en former des coquilles qui tombent, après leur mort, dans le fond des eaux douces ou salées.

Avec le chlorure de sodium et le carbonate de chaux, l’eau tient souvent en dissolution du carbonate de magnésie, qu’elle abandonne en couches souvent très épaisses, ordinairement associé au carbonate de chaux. D’autres corps se trouvent plus souvent à l’état de suspension que de dissolution dans l’eau des ruisseaux, des rivières et des fleuves : telles sont les argiles, les sables, les graviers, etc.

Formation des alluvions. Les fleuves, lors des débordements qui succèdent aux grandes pluies, abandonnent une grande quantité de ces substances dans les vallées et les plaines où ils serpentent, et forment ainsi des alluvions dont l’importance est parfois très grande. J’ai à peine besoin de citer, à ce propos, le Nil, le Sénégal, le Niger, qui, chaque année, déversent dans les plaines d’énormes quantités de sédiments.