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et même une partie de l’église. Le docteur Plot donne un exemple pareil d’une montagne entre Sibbertoft et Ashby, dans la province de Northampton. Les eaux entraînent non seulement les parties les plus légères des montagnes, comme la terre, le sable, le gravier et les petites pierres, mais elles roulent même de très gros rochers, ce qui en diminue considérablement la hauteur. En général, plus les montagnes sont hautes et plus leur pente est raide, plus les rochers y sont coupés à pic. Les plus hautes montagnes du pays de Galles ont des rochers extrêmement droits et fort nus ; on voit les copeaux de ces rochers (si on peut se servir de ce nom) en gros monceaux à leurs pieds ; ce sont les gelées et les eaux qui les séparent et les entraînent. Ainsi, ce ne sont pas seulement les montagnes de sable et de terre que les pluies rabaissent, mais, comme l’on voit, elles attaquent les rochers les plus durs, et en entraînent les fragments jusque dans les vallées. Il arriva dans la vallée de Nant-Phrancon, en 1685, qu’une partie d’un gros rocher qui ne portait que sur une base étroite, ayant été minée par les eaux, tomba et se rompit en plusieurs morceaux avec plus d’un millier d’autres pierres, dont la plus grosse fit en descendant une tranchée considérable jusque dans la plaine, où elle continua à cheminer dans une petite prairie et traversa une petite rivière, de l’autre côté de laquelle elle s’arrêta. C’est à de pareils accidents qu’on doit attribuer l’origine de toutes les grosses pierres que l’on trouve ordinairement çà et là dans le voisinage des montagnes. On doit se souvenir, à l’occasion de cette observation, de ce que nous avons dit dans l’article précédent, savoir : que ces rochers et ces grosses pierres dispersées sont bien plus communs dans les pays dont les montagnes sont de sable et de grès que dans ceux où elles sont de marbre et de glaise, parce que le sable qui sert de base au rocher est un fondement moins solide que la glaise.

» Pour donner une idée de la quantité de terre que les pluies détachent des montagnes et qu’elles entraînent dans les vallées, nous pouvons citer un fait rapporté par le docteur Plot : il dit, dans son Histoire naturelle de Staffort, qu’on a trouvé dans la terre, à 18 pieds de profondeur, un grand nombre de pièces de monnaie frappées du temps d’Édouard IV, c’est-à-dire deux cents ans auparavant, en sorte que ce terrain, qui est marécageux, s’est augmenté d’environ 1 pied en onze ans, ou de 1 pouce et un douzième par an. On peut encore faire une observation semblable sur des arbres enterrés à 17 pieds de profondeur, au-dessous desquels on a trouvé des médailles de Jules César : ainsi les terres, amenées du dessus des montagnes dans les plaines par les eaux courantes, ne laissent pas d’augmenter très considérablement l’élévation du terrain des plaines.

» Ces graviers, ces sables et ces terres que les eaux détachent des montagnes et qu’elles entraînent dans les plaines y forment des couches qu’il ne faut pas confondre avec les couches anciennes et originaires de la terre. On doit mettre dans la classe de ces nouvelles couches celles de tuf, de pierre