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l’importance que peuvent avoir par eux-mêmes de pareils courants, ils doivent encore jouer un rôle considérable, en déterminant la dérivation des courants marins avec lesquels ils sont susceptibles de se rencontrer.

L’évaporation qui se fait à la surface des mers détermine la production d’une quatrième classe de courants. C’est à cette cause qu’il faut attribuer notamment les courants qui se dirigent de l’Atlantique dans la Méditerranée. Dans le détroit de Gibraltar, ils sont au nombre de trois, l’un médian, les deux autres latéraux. On sait que la Méditerranée n’a pour ainsi dire pas de marées ; on ne constate des mouvements de flux et de reflux un peu sensibles que dans quelques points de cette mer ; dans le détroit de Messine, la mer monte de 60 à 65 centimètres ; à Naples, elle monte de 30 à 32 centimètres ; à Venise, elle paraît pouvoir s’élever de plus de 1 mètre ; dans les golfes de la côte septentrionale de l’Afrique, elle s’élève de 1m,52 ; mais dans la plupart des autres points, les marées ne sont que difficilement observables. Il en résulte que l’Atlantique verse dans la Méditerranée une quantité d’eau beaucoup plus considérable que celle qui passe de la deuxième de ces mers dans la première. On doit en conclure que l’excédent de l’eau apportée par les courants venus de l’Atlantique s’évapore à la surface de la Méditerranée. Cette évaporation est d’ailleurs rendue très prompte et très abondante par les vents secs venus d’Afrique et par la chaleur. C’est très probablement à elle qu’on doit attribuer la constance et la rapidité des courants qui traversent le détroit de Gibraltar, beaucoup plus qu’à la différence de niveau des deux mers, car cette différence est à peine sensible, si même elle existe. Il est bien probable que l’évaporation joue un rôle semblable dans la production des courants que l’on constate à l’entrée de la plupart des golfes ou des mers qui pénètrent profondément dans les terres, courants presque toujours dirigés de la haute mer vers le fond de ces golfes.

Une cinquième classe comprend les courants produits par la différence de température des diverses mers. C’est à cette classe qu’appartient le célèbre courant connu sous le nom de Gulf-Stream. On sait qu’il prend naissance dans le golfe du Mexique. De ce point il se dirige vers le nord-est, par le détroit de la Floride, et atteint le banc de Terre-Neuve, où il se divise en deux branches : l’une qui revient vers les tropiques en limitant une surface elliptique calme et couverte d’algues, connue sous le nom de mer des sargasses et qui ensuite passe près des îles Açores et remonte jusqu’au golfe de Biscaye ; l’autre, qui se porte vers le nord de l’Europe, passe entre la Grande-Bretagne et l’Islande, suit les côtes de la Norvège, puis va, par le détroit de Davis, vers la côte de l’Amérique du Nord qu’il descend jusqu’au niveau de l’Amérique du Sud où il se perd. La largeur de ce courant est très considérable ; au niveau du cap Floride, elle est de 40 kilomètres ; sous le 40e degré de latitude, elle est de 205 kilomètres. En ce dernier point, sa profondeur est de 30 mètres. Sa vitesse est très grande ; dans le détroit de Bahama,