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l’autre côté ; et, comme les bords de ces courants sont les collines et les montagnes qui se trouvent au-dessous ou au-dessus de la surface des eaux, ils auront donné à ces éminences cette même forme qu’on remarque aux bords des fleuves : ainsi on ne doit pas s’étonner que nos collines et nos montagnes, qui ont été autrefois couvertes des eaux de la mer et qui ont été formées par le sédiment des eaux, aient pris par le mouvement des courants cette figure régulière, et que tous les angles en soient alternativement opposés ; elles ont été les bords des courants ou des fleuves de la mer, elles ont donc nécessairement pris une figure et des directions semblables à celles des bords des fleuves de la terre, et par conséquent toutes les fois que le bord à main gauche aura formé un angle rentrant, le bord à main droite aura formé un angle saillant, comme nous l’observons dans toutes les collines opposées. »

Ainsi que l’avons dit déjà plus haut, l’opinion de Buffon est en grande partie erronée. Il parait certain que la majeure partie des vallées de nos montagnes ont été creusées non pendant qu’elles étaient encore au-dessous des mers, mais après leur soulèvement.

Les découvertes faites par la science depuis l’époque de Buffon ont également renversé sa théorie des courants et nous ont révélé les véritables causes productrices de ces fleuves marins. Le savant qui a fait le premier la lumière sur cette question est un Anglais, le major Rennel.

Il divisait les courants marins en deux grandes classes : les courants d’impulsion (drift-currents) et les courants torrentiels (stream-currents). Il attribuait les premiers à l’action du vent poussant les eaux de la mer dans une direction déterminée et constante pendant une certaine période de temps ; mais si ces eaux viennent à rencontrer un obstacle, par exemple une côte ou un autre courant de direction différente ou un fleuve, elles se trouvent arrêtées dans leur marche, se détournent de leur route primitive et vont dans une direction nouvelle, en prenant le nom de courants torrentiels.

Ces deux sortes de courants ne sont pas les seules que l’on connaisse. Il existe encore des courants formés par l’eau douce des rivières. Dans la plupart des cas, l’eau des fleuves ne tarde pas à se confondre avec celle de la mer, et à une petite distance de l’embouchure des fleuves, on ne trouve plus d’indications de leur existence. Quelques fleuves se comportent différemment. Celui des Amazones, par exemple, se prolonge dans l’Atlantique à une distance considérable. D’après le général Sabine, à une distance de 480 kilomètres de son embouchure, on trouve encore des eaux distinctes de celles de l’Océan, presque entièrement douces, prolongeant la direction du fleuve et ayant une vitesse de 4 800 mètres à l’heure. D’après Rennel, la rivière Plate est encore distincte dans l’Océan, à 960 kilomètres de son embouchure ; elle forme en ce point une sorte de fleuve marin, ayant une vitesse de 1 600 mètres à l’heure et une largeur de 1 280 mètres. Indépendamment de