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cette partie de la mer devenant plus haute et formant une éminence, il est nécessaire que les eaux de la surface et du fond des parties éloignées, et sur lesquelles cette force d’attraction n’agit pas, viennent avec précipitation pour remplacer les eaux qui se sont élevées ; c’est là ce qui produit le flux, qui est plus ou moins sensible sur les différentes côtes, et qui, comme l’on voit, agite la mer non seulement à sa surface, mais jusqu’aux plus grandes profondeurs. Le reflux arrive ensuite par la pente naturelle des eaux ; lorsque l’astre a passé et qu’il n’exerce plus sa force, l’eau, qui s’était élevée par l’action de cette puissance étrangère, reprend son niveau et regagne les rivages et les lieux qu’elle avait été forcée d’abandonner ; ensuite, lorsque la lune passe au méridien de l’antipode du lieu où nous avons supposé qu’elle a d’abord élevé les eaux, le même effet arrive ; les eaux, dans cet instant où la lune est absente et la plus éloignée, s’élèvent sensiblement, autant que dans le temps où elle est présente et la plus voisine de cette partie de la mer : dans le premier cas, les eaux s’élèvent parce qu’elles sont plus près de l’astre que toutes les autres parties du globe ; et dans le second cas, c’est par la raison contraire : elles ne s’élèvent que parce qu’elles en sont plus éloignées que toutes les autres parties du globe, et l’on voit bien que cela doit produire le même effet ; car alors les eaux de cette partie, étant moins attirées que tout le reste du globe, elles s’éloigneront nécessairement du reste du globe et formeront une éminence dont le sommet répondra au point de la moindre action, c’est-à-dire au point du ciel directement opposé à celui où se trouve la lune, ou, ce qui revient au même, au point où elle était treize heures auparavant, lorsqu’elle avait élevé les eaux la première fois ; car lorsqu’elle est parvenue à l’horizon, le reflux étant arrivé, la mer est alors dans son état naturel, et les eaux sont en équilibre et de niveau ; mais quand la lune est au méridien opposé, cet équilibre ne peut plus subsister, puisque les eaux de la partie opposée à la lune étant à la plus grande distance où elles puissent être de cet astre, elles sont moins attirées que le reste du globe, qui, étant intermédiaire, se trouve être plus voisin de la lune, et, dès lors, leur pesanteur relative, qui les tient toujours en équilibre et de niveau, les pousse vers le point opposé à la lune pour que cet équilibre se conserve. Ainsi, dans les deux cas, lorsque la lune est au méridien d’un lieu ou au méridien opposé, les eaux doivent s’élever à très peu près de la même quantité, et par conséquent s’abaisser et refluer aussi de la même quantité, lorsque la lune est à l’horizon, à son coucher ou à son lever. On voit bien qu’un mouvement, dont la cause et l’effet sont tels que nous venons de l’expliquer, ébranle nécessairement la masse entière des mers, et la remue dans toute son étendue et dans toute sa profondeur ; et, si ce mouvement paraît insensible dans les hautes mers et lorsqu’on est éloigné des terres, il n’en est cependant pas moins réel ; le fond et la surface sont remués à peu près également, et même les eaux du fond, que les vents ne peuvent agiter comme