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existe dans tous les points des mers des courants qui entraînent les eaux dans des directions déterminées, ordinairement constantes en un même point.

Le mouvement du flux et du reflux se fait alternativement en sens contraire dans chaque point du globe, mais il ne se produit pas partout en en même temps et il est facile de constater qu’il se dirige de l’orient vers l’occident. Dès les temps les plus reculés, on a constaté les relations qui existent entre ces mouvements et la position de la terre par rapport à la lune. On n’a pas eu de peine à voir que le flux se produit, en chaque lieu de nos rivages, toutes les fois que la lune est au-dessus ou au-dessous du méridien de ce lieu, tandis que le reflux arrive lorsque la lune est aussi éloignée que possible du méridien, c’est-à-dire quand elle est à l’horizon, soit au moment de son coucher, soit au moment de son lever. On a aussi remarqué, depuis les temps les plus reculés, que le flux et le reflux atteignent leur maximum d’intensité au moment des pleines lunes et des nouvelles lunes, et qu’il est encore plus intense en automne et au printemps que dans les deux autres saisons.

Cause des marées. De ces observations, il était naturel de conclure que le flux et le reflux sont déterminés par la lune. C’est en effet l’opinion qui a été émise par les savants les plus anciens ; c’est celle encore qui a été consolidée par toutes les observations de la science moderne. Puisque mon objet principal est d’analyser l’œuvre de Buffon, je ne puis mieux faire que de lui laisser la parole pour l’exposition de cette théorie : Action de la lune. « La lune, dit-il[1], agit sur la terre par une force que les uns appellent attraction, et les autres pesanteur ; cette force d’attraction ou de pesanteur pénètre le globe de la terre dans toutes les parties de sa masse, elle est exactement proportionnelle à la quantité de matière, et en même temps elle décroît comme le carré de la distance augmente : cela posé, examinons ce qui doit arriver en supposant la lune au méridien d’une plage de la mer. La surface des eaux, étant immédiatement sous la lune, est alors plus près de cet astre que toutes les autres parties du globe, soit de la terre, soit de la mer : dès lors cette partie de la mer doit s’élever vers la lune en formant une éminence dont le sommet correspond au centre de cet astre. Pour que cette éminence puisse se former, il est nécessaire que les eaux, tant de la surface environnante que du fond de cette partie de la mer, y contribuent, ce qu’elles font en effet, à proportion de la proximité où elles sont de l’astre qui exerce cette action dans la raison inverse du carré de la distance : ainsi la surface de cette partie de la mer s’élevant la première, les eaux de la surface des parties voisines s’élèveront aussi, mais à une moindre hauteur, et les eaux du fond de toutes ces parties éprouveront le même effet et s’élèveront par la même cause ; en sorte que toute

  1. Histoire et théorie de la terre. Du flux et du reflux, t. Ier, p. 180.