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galités à la surface de la terre, tandis que les causes aqueuses ont surtout, comme nous le montrerons plus bas, le rôle de niveler les inégalités créées par les premières. La seule action importante que Buffon attribue aux causes ignées est celle qui consiste à avoir produit la charpente des grandes chaînes de montagne, et il limite cette action à la période de la consolidation du globe.

Causes aqueuses de transformation de la surface du globe. Si les modifications produites par les causes ignées ne sont pas favorables à la théorie des révolutions brusques, celles que déterminent les causes aqueuses, dont il nous reste à parler, le sont encore beaucoup moins. Ces causes sont cependant assez énergiques pour produire des effets extrêmement importants. Nous nous bornerons à citer ceux qui offrent le plus d’intérêt, au point de vue de la question débattue ici, c’est-à-dire ceux qui pourraient être invoqués avec quelque apparence de raison en faveur de la doctrine des révolutions brusques.

L’eau exerce à la surface du globe l’action modificatrice indiquée plus haut, de deux façons différentes : en détruisant ou en reconstruisant.

Action destructive de l’eau. Parmi les actions destructives, nous devons rappeler, en premier lieu, celles qui sont accomplies directement par les pluies. Nous avons à peine besoin d’insister sur leur importance. Il n’y a pas un seul de nos lecteurs qui n’ait été témoin des ravages que les pluies sont capables de produire, quand elles tombent avec une grande intensité ou quand elles sont de longue durée. Dans les régions montagneuses surtout, où les pluies sont particulièrement abondantes[1], et dans les contrées voisines de l’équateur, où il tombe beaucoup plus d’eau que vers les pôles, la pluie fait souvent de grands ravages, détruisant les moissons et entraînant parfois le sol lui-même sur une étendue et jusqu’à une profondeur considérables. Dans les régions montagneuses intertropicales, il n’est pas rare de voir la pluie tomber avec une telle violence que les racines des arbres sont déchaussées par l’eau qui dévale en vastes nappes des sommets des montagnes, en entraînant la terre et les rochers.

Action des pluies. Le savant botaniste anglais Hooker, dont les travaux sur l’Inde ont une grande valeur, a noté la violence des pluies qui s’abattent sur les flancs des monts Sikkins. Les vents chauds qui soufflent au-dessus de la baie du Bengale s’y chargent de vapeur d’eau, puis ils vont se briser sur les monts Sikkins, où ils subissent un refroidissement tel que leurs vapeurs se con-

  1. On sait que la pluie est due à la condensation et à la chute sur le sol de la vapeur d’eau tenue en suspension dans l’atmosphère. La quantité de la vapeur atmosphérique augmente avec la température et même dans des proportions supérieures à cette dernière. Si deux volumes d’air saturés d’humidité et ayant des températures différentes viennent à se mélanger, leurs vapeurs se condensent, forment des nuages pour tomber en pluie. C’est à ce phénomène qu’est due l’abondance des pluies dans les régions montagneuses. Quant à l’abondance des pluies équatoriales, elle est due à la grande évaporation de l’eau des fleuves et de la mer qui se produit dans ces pays.