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diminue sans cesse de volume en se séparant de la croûte solide. Celle-ci ne s’affaisse pas graduellement de manière à toujours s’adapter au noyau, mais elle reste, pendant de longues périodes géologiques, séparée du noyau central ; puis, tout à coup, elle fléchit et s’affaisse en certains points, tandis que d’autres se relèvent. Ce sont ces derniers qui produisent les montagnes.

Le seul argument qu’Élie de Beaumont invoque à l’appui de sa théorie est le suivant : l’examen attentif de la plupart des montagnes montre que sur leurs flancs reposent des couches de deux sortes, les unes fortement relevées, s’élevant parfois jusqu’au sommet de la montagne, les autres horizontales, déposées sur les premières. Comme les unes et les autres offrent tous les caractères de dépôts sédimentaires, c’est-à-dire de dépôts abandonnés en couches horizontales par les eaux, il faut admettre que les premières ont été redressées, après leur formation, par le soulèvement de la montagne, et que les secondes n’ont été déposées qu’après le relèvement des premières. Élie de Beaumont, poussant plus loin les déductions, croit pouvoir affirmer que le soulèvement de la montagne s’est fait brusquement, à une époque intermédiaire au dépôt des deux séries de couches, époque qu’il regarde comme n’ayant pu être que de très courte durée.

Arguments contre les soulèvements brusques. Lyell relève avec raison le vice de ce raisonnement. Il admet bien qu’on doit considérer le soulèvement comme postérieur à la formation des couches redressées qu’on trouve sur le flanc de la montagne, et comme antérieur au dépôt des couches horizontales, mais il fait remarquer qu’il a pu s’écouler entre ces deux formations un laps de temps extrêmement long, et que les fossiles de la couche redressée ont pu vivre dans l’océan voisin non seulement pendant toute la période du redressement, mais encore pendant que les couches horizontales se déposaient. Rien donc ne prouve que le soulèvement d’une chaîne de montagnes ait causé la disparition des animaux qui vivaient pendant la période antérieure au soulèvement. Prenons un exemple : M. de Beaumont a établi d’une manière à peu près certaine que le dernier soulèvement des Pyrénées, celui qui a donné à cette chaîne de montagnes son relief actuel, s’est produit après le dépôt des couches crétacées qui se trouvent à l’état de redressement sur le flanc de cette chaîne, et avant le dépôt des couches tertiaires qu’on trouve dans le même lieu à l’état de strates horizontales. A-t-il le droit d’en conclure que le soulèvement des Pyrénées a marqué la fin brusque de la période crétacée, la destruction de tous les organismes de cette période et l’avènement de la période tertiaire ? Enfin, a-t-il le droit de conclure à la contemporanéité absolue d’une autre chaîne qui offrirait, comme les Pyrénées, du crétacé redressé et du tertiaire horizontal ? Évidemment non. Il existe du crétacé ailleurs que dans les Pyrénées et il est bien démontré que le dépôt des couches crétacées a pu cesser dans un point du globe, tandis qu’il continuait dans l’autre. « En raisonnant