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Connaissant la théorie des révolutions de Cuvier, nous devons examiner les preuves sur lesquelles il l’appuie.

Le nombre en est peu considérable ; leur importance est encore moindre. La richesse de certaines couches de terrains en coquilles fossiles est la première preuve que Cuvier invoque en faveur de ses révolutions. Il déduit, avec raison, de la présence de ces coquilles, que la mer a occupé les lieux dans lesquels on les trouve. C’est précisément la conclusion à laquelle était parvenu Buffon. Il tire sa deuxième preuve de l’inclinaison de certaines couches coquillières, particulièrement des couches situées dans le voisinage des montagnes. Il insiste sur le fait indéniable que, dans ces points, les couches riches en coquilles marines sont redressées contre les flancs des montagnes, et, parfois, surmontées de couches horizontales, également riches en fossiles marins, d’où il conclut, encore avec raison, que « la mer, avant de former les couches horizontales, en avait formé d’autres, que des causes quelconques avaient brisées, redressées, bouleversées de mille manières. » C’est à cela que se réduisent les preuves qu’il invoque en faveur des révolutions elles-mêmes.

Il reste à démontrer qu’elles ont été nombreuses et subites. En faveur du grand nombre des révolutions, il invoque le fait, méconnu par Buffon, de l’alternance de couches riches en fossiles terrestres ou d’eau douce avec des couches qui ne contiennent que des fossiles marins ; et cet autre fait que, même dans les couches marines, les fossiles varient d’une couche à l’autre,« quoiqu’il y ait, dit-il[1], quelques retours d’espèces à de petites distances ; il est vrai de dire, en général, que les coquilles des couches anciennes ont des formes qui leur sont propres ; qu’elles disparaissent graduellement pour ne plus se montrer dans les couches récentes, encore moins dans les mers actuelles, où l’on ne découvre jamais leurs analogues d’espèce, où plusieurs de leurs genres eux-mêmes ne se retrouvent pas ; que les coquilles des couches récentes, au contraire, ressemblent, pour le genre, à celles qui vivent dans nos mers, et que dans les dernières et les plus meubles de ces couches, et dans certains dépôts récents et limités, il y a quelques espèces que l’œil le plus exercé ne pourrait distinguer de celles que nourrissent les côtes voisines. »

Il restait à démontrer que les révolutions ont été subites. Comme c’est ce dernier caractère qui est le plus important, au point de vue de la théorie de Cuvier, c’est celui qui devait être appuyé du plus grand nombre de preuves et des preuves les plus solides. Il est cependant loin d’en être ainsi. Afin de ne pas être accusé d’atténuer l’importance des arguments, je laisse la parole à Cuvier lui-même. Après avoir parlé de l’existence des révolutions et de leur nombre, il ajoute un alinéa qui a pour titre : « Preuves que ces révolu-

  1. Discours sur les révolutions de la surface du globe, p. 19.