Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

j’aurai à signaler les attaques vigoureuses dont elle a été l’objet et auxquelles elle à résisté dans son ensemble.

Voyons maintenant quelle est la part de vérité et la part d’erreur contenues dans les idées émises par Buffon relativement à la disposition des couches superficielles de la terre.

Variétés de stratification. Si l’on devait prendre à la lettre les termes « couches horizontales » et « couches parallèles » dont fait usage Buffon, il serait facile de montrer qu’il commettait une grave erreur en affirmant à la suite de Woodward et d’autres savants que toutes les couches composant la surface de la terre sont horizontales et parallèles. Mais il me paraît évident qu’en se servant de ces expressions, Buffon et ses prédécesseurs entendaient seulement dire que les terrains ne forment pas des masses informes, mais des couches régulièrement disposées les unes au-dessus des autres. L’observation la plus superficielle suffit, en effet, pour permettre de se convaincre que l’horizontalité absolue des couches, quoique fréquente, est loin d’être constante, et qu’une obliquité plus ou moins prononcée se présente beaucoup plus souvent. Il ne me paraît pas permis de croire que ce fait ait pu échapper à la sagacité de Palissy, de Woodward, de Buffon. Rappelons-nous qu’en parlant des montagnes, Buffon note l’inclinaison fréquente des couches qui tapissent leurs flancs[1]. Il paraît néanmoins bien certain que ni lui ni ses prédécesseurs et ses contemporains n’ont eu connaissance des irrégularités considérables de position et de direction qui ont été déterminées dans les couches par des phénomènes ultérieurs à leur dépôt. Ils ont vu la loi générale qui préside à l’arrangement des terrains que l’on a nommés stratifiés, à cause de leur disposition en couches superposées, mais ils n’ont pas saisi les perturbations qui, dans la plupart des cas, sont introduites dans cette loi. Ajoutons que son ignorance des troubles apportés à la stratification régulière de notre sol n’a pas empêché Buffon de découvrir l’explication du phénomène principal, que peut-être même elle a servi son esprit de généralisation, en ne le détournant pas de la voie où le poussait la vue d’ensemble de la loi. J’irais volontiers jusqu’à soupçonner qu’il a volontairement fermé les yeux sur les irrégularités de la stratification, afin de donner plus de poids à l’explication qu’il fournit de ce phénomène.

Cela dit, il est utile de passer rapidement en revue les principales modifications de direction et de position que les terrains stratifiés sont susceptibles de présenter. La modification la plus ordinaire et la plus simple consiste dans le redressement des couches qui, d’horizontales, deviennent plus ou moins obliques, souvent tout à fait perpendiculaires à l’horizon, et même, dans quelques cas, sont renversées au point de diriger vers le bas celle de leurs faces qui primitivement était supérieure. Ces redressements peuvent

  1. Voyez plus haut, p. 129.