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enveloppe le globe est partout d’une même substance ; que cette substance qui sert à faire croître et à nourrir les végétaux et les animaux, n’est elle-même qu’un composé de parties animales et végétales détruites, ou plutôt réduites en petites parties, dans lesquelles l’ancienne organisation n’est pas sensible. Pénétrant plus avant je trouve la vraie terre, je vois des couches de sable, de pierres à chaux, d’argile, de coquillages, de marbres, de gravier, de craie, de plâtre, etc., et je remarque que ces couches sont toujours posées parallèlement les unes sur les autres, et que chaque couche a la même épaisseur dans toute son étendue : je vois que dans les collines voisines les mêmes matières se trouvent au même niveau, quoique les collines soient séparées par des intervalles profonds et considérables. J’observe que dans tous les lits de terre, et même dans les couches plus solides, comme dans les rochers, dans les carrières de marbres et de pierres, il y a des fentes, que ces fentes sont perpendiculaires à l’horizon, et que dans les plus grandes comme dans les plus petites profondeurs, c’est une espèce de règle que la nature suit constamment. Je vois de plus que dans l’intérieur de la terre, sur la cime des monts et dans les lieux les plus éloignés de la mer, on trouve des coquilles, des squelettes de poissons de mer, des plantes marines, etc., qui sont entièrement semblables aux coquilles, aux poissons, aux plantes actuellement vivantes dans la mer, et qui en effet sont absolument les mêmes. Je remarque que ces coquilles pétrifiées sont en prodigieuse quantité, qu’on en trouve dans une infinité d’endroits, qu’elles sont renfermées dans l’intérieur des rochers et des autres masses de marbre et de pierre dure, aussi bien que dans les craies et dans les terres ; et que non seulement elles sont renfermées dans toutes ces matières, mais qu’elles y sont incorporées, pétrifiées et remplies de la substance même qui les environne : enfin, je me trouve convaincu par des observations réitérées que les marbres, les pierres, les craies, les marnes, les argiles, les sables et presque toutes les matières terrestres sont remplies de coquilles et d’autres débris de la mer, et cela par toute la terre et dans tous les lieux où l’on a pu faire des observations exactes. »

Dans cette esquisse, aussi remarquable par l’ampleur du trait que par la richesse du coloris, l’illustre naturaliste ne s’est pas seulement attaché à réunir les beautés de la forme, il a aussi entassé tous les faits sur lesquels il se propose d’étayer son histoire de l’évolution de la terre.

Les monuments de l’histoire de la terre. L’ayant terminée[1], « tout cela posé, raisonnons, » dit-il, et il reprend, l’un après l’autre, tous les faits qu’il a exposés pour en déduire les causes et l’enchaînement historique.

Dans ses Époques de la nature, il commence aussi par citer un certain nombre de faits dont il s’efforce ensuite de déduire les conséquences. Comme

  1. Histoire et théorie de la terre, t. Ier, p. 40.