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qu’à quel point notre globe a conservé les traces de ces deux états. Nous devons maintenant retracer les phases diverses par lesquelles il a passé depuis la période de l’incandescence jusqu’à nos jours.

C’est ce problème que Buffon s’était efforcé de résoudre dans l’Histoire et théorie de la terre, puis dans les Époques de la nature. J’exposerai d’abord ses idées, puis je montrerai le sort que leur a fait subir la science moderne, sort beaucoup plus glorieux qu’on ne le pense généralement.

La surface du globe. Pour bien préciser la nature des questions qu’il s’agit de résoudre, il est utile de jeter, avec Buffon, un coup d’œil d’ensemble sur l’organisation de la terre. L’esquisse qu’il trace de la structure de notre globe est assez belle pour trouver place ici.

« Ce globe immense, écrit le savant naturaliste[1], nous offre à la surface des hauteurs, des profondeurs, des plaines, des mers, des marais, des fleuves, des cavernes, des gouffres, des volcans, et à la première inspection nous ne découvrons en tout cela aucune régularité, aucun ordre. Si nous pénétrons dans son intérieur, nous y trouvons des métaux, des minéraux, des pierres, des bitumes, des sables, des terres, des eaux et des matières de toute espèce, placées comme au hasard et sans aucune règle apparente ; en examinant avec plus d’attention, nous voyons des montagnes affaissées, des rochers fendus et brisés, des contrées englouties, des îles nouvelles, des terrains submergés, des cavernes comblées ; nous trouvons des matières pesantes souvent posées sur des matières légères, des corps durs environnés de substances molles, des choses sèches, humides, chaudes, froides, solides, friables, toutes mêlées et dans une espèce de confusion qui ne nous présente d’autre image que celle d’un amas de débris et d’un monde en ruine. »

Cependant ce désordre apparent cache un ordre profond ; sur ce globe qui semble formé de ruines entassées et qui porte, en effet, les traces visibles des transformations qu’il a subies, « les générations d’hommes, d’animaux, de plantes, se succèdent sans interruption, la terre fournit abondamment à leur substance ; la mer a des limites et des lois, ses mouvements y sont assujettis, l’air a ses courants réglés, les saisons ont leurs retours périodiques et certains, la verdure n’a jamais manqué de succéder aux frimas : tout nous paraît être dans l’ordre. »

Nous ne connaissons d’ailleurs qu’une portion très faible de la masse énorme de notre globe ; « il faut donc nous borner à examiner et à décrire la surface de la terre, et la petite épaisseur intérieure dans laquelle nous avons pénétré. La première chose qui se présente, c’est l’immense quantité d’eau qui couvre la plus grande partie du globe ; ces eaux occupent toujours les parties les plus basses, elles sont aussi toujours de niveau, et elles tendent

  1. Histoire et théorie de la terre, t. Ier, p. 35.