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Quoique la déperdition de chaleur que subit notre globe soit très faible, il n’est cependant pas possible de la nier, et il paraît qu’on doive conclure à la possibilité d’un complet refroidissement au bout d’un temps plus ou moins long. Buffon paraît être de cet avis quoiqu’il ne s’en explique nulle part avec précision. Quelques savants modernes ont émis une opinion contraire. Ils pensent que les phénomènes chimiques et électriques dont il a été question plus haut et qui se produisent incessamment dans l’intérieur de notre globe sont de nature à régénérer une quantité de chaleur égale à celle que le rayonnement fait perdre à la terre. Lyell résume cette opinion de la façon suivante[1] : « L’existence de courants électriques dans l’écorce terrestre, et les changements de direction qu’ils peuvent subir, à la suite de grandes révolutions géologiques dans la position des chaînes de montagne, et dans celle de la mer ; la relation qui existe entre le magnétisme terrestre et le magnétisme solaire, et les rapports de ce dernier agent avec l’électricité et l’action chimique, peuvent nous aider à concevoir un cycle de changements de nature à rendre à la planète la chaleur qu’elle est supposée perdre par rayonnement dans l’espace. »

Le soleil se refroidira-t-il ? La chaleur propre de la terre n’ayant qu’une influence insignifiante sur les phénomènes dont la surface de notre globe est le siège, tandis que la chaleur du soleil exerce sur eux une action indispensable à leur production, on s’est beaucoup préoccupé de la question de savoir si le soleil est condamné à éprouver un refroidissement semblable à celui que l’on suppose avoir été subi par la terre.

Buffon attribuait la chaleur du soleil à la pression qu’exercent sur lui les nombreux astres qui circulent autour de sa masse. Depuis leur formation, les planètes auraient ajouté leur pression à celle des comètes pour maintenir et même accroître la chaleur du soleil, de même que la pression exercée par les satellites développerait une certaine quantité de chaleur dans les planètes dont ces satellites dépendent. Je lui laisse la parole : « S’il en est, dit-il[2], des comètes comme des planètes, si les plus grosses sont les plus éloignées du soleil, si les plus petites sont les seules qui en approchent d’assez près pour que nous puissions les apercevoir, quel volume immense de matière ! quelle charge énorme sur les corps de cet astre ! quelle pression, c’est-à-dire quel frottement intérieur dans toutes les parties de sa masse, et par conséquent quelle chaleur et quel feu produits par ce frottement !

» Car, dans notre hypothèse, le soleil était une masse de matière en fusion, même avant la projection des planètes ; par conséquent, ce feu n’avait alors pour cause que la pression de ce grand nombre de comètes qui circulaient précédemment et circulent encore aujourd’hui autour de ce foyer commun.

  1. Principes de géologie, t. II, p. 314.
  2. Époques de la nature, t. II, p. 29.