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deurs à la surface de la terre, elles ont aussi formé des boursouflures et des cavités à l’intérieur, surtout dans les couches les plus extérieures : ainsi le globe, dès le temps de cette seconde époque, lorsqu’il eut pris sa consistance et avant que les eaux n’y fussent établies, présentait une surface hérissée de montagnes et sillonnée de vallées ; mais toutes les causes subséquentes et postérieures à cette époque ont concouru à combler toutes les profondeurs extérieures et même les cavités intérieures ; ces causes subséquentes ont aussi altéré presque partout la forme de ces inégalités primitives ; celles qui ne s’élevaient qu’à une hauteur médiocre ont été pour la plupart recouvertes dans la suite par les sédiments des eaux, et toutes ont été environnées à leurs bases, jusqu’à de grandes hauteurs, de ces mêmes sédiments ; c’est par cette raison que nous n’avons d’autres témoins apparents de la première forme de la terre que les montagnes composées de matière vitrescible, dont nous venons de faire l’énumération ; cependant ces témoins sont sûrs et suffisants ; car, comme les plus hauts sommets de ces premières montagnes n’ont peut-être jamais été surmontés par les eaux, ou du moins qu’ils ne l’ont été que pendant un petit temps, attendu qu’on n’y trouve aucun débris des productions marines, et qu’ils ne sont composés que de matières vitrescibles, on ne peut pas douter qu’ils ne doivent leur origine au feu, et que ces éminences, ainsi que la roche intérieure du globe, ne fassent ensemble un corps continu de même nature, c’est-à-dire de matière vitrescible, dont la formation a précédé celle de toutes les autres matières. »

On voit que Buffon multiplie les efforts pour mettre d’accord l’opinion exprimée dans son Histoire de la terre, relativement à la formation des montagnes avec celle qui lui est venue à l’esprit en écrivant trente ans plus tard les Époques de la nature. Le moyen qu’il trouve est de supposer que la charpente, pour ainsi dire, de toutes les grandes chaînes de montagne qui hérissent notre globe est constituée par les boursouflements et aspérités qui se sont formés à l’époque du refroidissement de la terre, tandis que le revêtement de cette charpente a été déposé par les eaux.

Idées modernes sur la formation des montagnes. Si l’on veut bien comprendre le développement des idées qui ont tour à tour dominé relativement à cette question, parmi les géologues, il faut avoir bien soin de séparer les deux parties de la théorie de Buffon : celle qui se rapporte à la formation de la charpente des montagnes, et celle qui a trait à leurs parties superficielles. Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour admettre avec Buffon que le revêtement à base calcaire ou siliceuse des montagnes a été formé sous les eaux. Personne n’oserait plus répéter la méchante et sotte plaisanterie que fit Voltaire à propos de la doctrine émise dans l’Histoire de la terre ; le plus ignorant rougirait de dire avec lui que les coquilles trouvées sur les flancs et les sommets des montagnes y ont été perdues par des pèlerins. Mais si tout le monde admet que la plus grande partie de la masse des montagnes a été déposée par les eaux, personne ne croit plus