Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siècles celle de la formation des montagnes calcaires, lesquelles n’ont existé qu’après l’établissement des eaux, puisque leur composition suppose la production des coquillages et des autres substances que la mer fomente et nourrit. »

Il écrit encore, parlant de la topographie du globe, antérieurement à la chute des eaux, c’est-à-dire pendant la première phase de son refroidissement[1] : « Nous n’avons que quelques indices encore subsistants de la première forme de sa surface ; les plus hautes montagnes, composées de matières vitrescibles, sont les seuls témoins de cet ancien état ; elles étaient alors encore plus élevées qu’elles ne le sont aujourd’hui ; car, depuis ce temps et après l’établissement des eaux, les mouvements de la mer, et ensuite les pluies, les vents, les gelées, les courants d’eau, la chute des torrents, enfin toutes les injures des éléments de l’air et de l’eau, et les secousses des mouvements souterrains, n’ont pas cessé de les dégrader, de les trancher et même d’en renverser les parties les moins solides, et nous ne pouvons douter que les vallées qui sont au pied de ces montagnes ne fussent bien plus profondes qu’elles ne le sont aujourd’hui. »

Parmi les « éminences primitives » de la surface du globe terrestre, il range : la chaîne des Cordillères, les montagnes qui s’étendent en Afrique, dans le sens de son plus grand diamètre, depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu’à la Méditerranée, vis-à-vis la pointe de la Morée, et qui forment l’énorme chaîne désignée autrefois sous le nom d’épine du monde ; la grande chaîne qui commence à l’occident de l’Europe, dans le sud de l’Espagne, gagne les Pyrénées, se continue par l’Auvergne et le Vivarais, puis par les Alpes jusqu’au Caucase et au Thibet, en émettant de chaque côté un grand nombre de branches principales.

« Les hautes montagnes que nous venons de désigner, dit-il après cette énumération[2], sont les éminences primitives, c’est-à-dire les aspérités produites à la surface du globe au moment qu’il a pris sa consistance ; elles doivent leur origine à l’effet du feu, et sont aussi, par cette raison, composées, dans leur intérieur et jusqu’à leurs sommets, de matières vitrescibles : toutes tiennent par leur base à la roche intérieure du globe, qui est de même nature. Plusieurs autres éminences moins élevées ont traversé dans ce même temps et presque en tous sens la surface de la terre, et l’on peut assurer que, dans tous les lieux où l’on trouve des montagnes de roc vif ou de toute autre matière solide et vitrescible, leur origine et leur établissement local ne peuvent être attribués qu’à l’action du feu et aux effets de la consolidation, qui ne se fait jamais sans laisser des inégalités sur la superficie de toute masse de matière fondue.

» En même temps que ces causes ont produit des éminences et des profon-

  1. Époques de la nature, t. II, p. 45.
  2. Ibid., p. 47.