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par une distribution non symétrique de la chaleur. Lorsque, par exemple, on chauffe l’une des extrémités d’une barre de fer, on constate qu’il se produit dans cette barre un courant électrique allant de l’extrémité chaude vers la froide et qu’on peut changer à volonté la direction du courant en chauffant tantôt l’une, tantôt l’autre extrémité. De semblables courants se produisent quand, deux métaux étant soudés ensemble, il y a inégalité de température entre la soudure et les extrémités. Or, grâce à son mouvement de rotation diurne, la terre se trouve dans le cas de métaux inégalement chauffés. Elle jouit toujours d’une température plus chaude sur la face qui regarde le soleil que sur l’autre ; un courant thermo-électrique doit donc se produire dans sa masse, se dirigeant de la face chauffée vers la face froide, et changeant de direction au bout de douze heures, lorsque la face qui était froide se trouve réchauffée par son exposition au soleil. « Ce qui prouve, fait observer Lyell[1], que cette idée n’est point une simple conjecture, c’est, d’une part, la correspondance des variations diurnes de l’aiguille aimantée avec le mouvement apparent du soleil ; de l’autre, la somme de variations qui est plus grande en été qu’en hiver, et pendant le jour que pendant la nuit. »

D’autres phénomènes thermo-électriques peuvent encore être déterminés dans l’intérieur de la terre par les inégalités de température que provoquent les foyers volcaniques. Le savant anglais que je viens de citer dit à cet égard : « Partout où l’on rencontre des masses de roches d’une grande étendue horizontale et d’une profondeur considérable, qui, sur un point, sont à l’état de fusion (comme au-dessous de quelques volcans actifs ), sur un autre, à la température de la chaleur rouge, et sur un troisième, relativement refroidies, il peut arriver que l’action thermo-électrique soit fortement excitée et que les courants électriques, une fois dans cet état, fondent les roches et jouissent du pouvoir décomposant de la pile électrique[2]. » L’électricité agirait donc, dans ces cas, d’un côté par elle-même, en élevant la température des roches au point de les fondre ; d’un autre côté, indirectement, en provoquant la production de phénomènes chimiques capables d’engendrer une nouvelle quantité de chaleur qui viendrait s’ajouter à la première.

Il n’est pas jusqu’aux modifications qui se produisent périodiquement ou accidentellement dans les taches du soleil dont on n’ait constaté l’influence sur les phénomènes magnétiques dont la terre est le siège. L’électricité et le magnétisme doivent donc jouer un rôle d’une haute importance dans la chaleur terrestre. Quand Buffon, et cent ans après lui, le savant géologue Lyell leur attribuent, conjointement aux phénomènes chimiques, la propriété de développer une chaleur suffisante pour fondre des roches et créer les gigan-

  1. Principes de géologie, t. II, p. 206
  2. Ibid., p. 298.