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Buffon, n’est pas moins certaine. Les volcans reçoivent de l’eau et en rejettent. On sait que tous les volcans rejettent une grande quantité de vapeurs d’eau. On pourrait, il est vrai, prétendre que cette vapeur provient de l’eau des pluies qui ont pénétré dans le cratère volcan ou dans les terrains avoisinants et qui est vaporisée par la chaleur du foyer volcanique. Mais des observations directes prouvent que ces vapeurs viennent, au moins en grande partie, d’eau de mer qui a pénétré dans le volcan par des fissures sous-marines. Davy a constaté que les vapeurs qui s’échappent du Vésuve laissent déposer du sel marin. Lors de l’éruption de l’Etna, en 1865, M. Fouqué s’est assuré que les gaz rejetés par le volcan étaient identiques à ceux qui auraient dû prendre naissance, si d’énormes quantités d’eau de mer avaient pénétré dans la cavité du volcan, s’y étaient décomposées et avaient été expulsées avec la lave. Non content de cela, il a calculé que la quantité de vapeur d’eau rejetée par le volcan était proportionnelle à celle des autres gaz, et il a pu évaluer à 22 000 mètres cubes la quantité de vapeur d’eau rejetée chaque jour par les nombreuses bouches béantes de l’Etna. Enfin, on a trouvé dans le tuf qui recouvre Pompéi, et qui est formé de laves rejetées par le Vésuve, une quantité considérable de tests siliceux de diatomées et de protozoaires marins qui ne peuvent provenir que de l’eau de la mer qui a pénétré dans la cavité du volcan et qui a été ensuite rejetée. Un grand nombre de ces tests sont en partie fondus, ce qui témoigne de leur passage dans un foyer à température très élevée, car ils sont formés d’une substance assez difficilement fusible, la silice. Quant au rôle joué par l’eau dans les éruptions, il est décrit de la façon suivante par le géologue Lyell[1] : « On peut supposer qu’il existe à une profondeur de plusieurs kilomètres au-dessous de la surface de la terre de vastes cavités souterraines dans lesquelles s’accumule de la lave fondue, et que lorsque de l’eau, mêlée à de l’air dans les proportions ordinaires, vient à pénétrer dans ces cavités, il s’y produit de la vapeur qui exerce une certaine pression sur la lave et la force à monter dans le conduit d’un volcan de la même manière qu’une colonne d’eau est poussée de bas en haut dans le tube d’un geyser. Dans d’autres cas, on peut supposer une colonne continue de lave liquide, mêlée avec de l’eau à la température de la chaleur rouge ou de la chaleur blanche (car l’eau, suivant le professeur Bunsen, peut se trouver en cet état lorsqu’elle est soumise à une certaine pression), et qui serait douée d’une température croissant de haut en bas d’une façon régulière. Que l’équilibre vienne à être rompu dans la masse, il se produit près de la surface, par suite de l’expansion et de la conversion en gaz de l’eau emprisonnée dans le sein des diverses substances qui constituent la lave, une éruption dont le résultat sera de diminuer la pression supportée par la colonne liquide ; une plus grande quantité de vapeur d’eau venant alors à se dégager, elle entraîne

  1. Principes de géologie, t. II, p. 234.