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souflures ont constitué les montagnes primitives, tandis que leurs cavités ont formé les creusets des volcans. « On pourra, dit-il[1], me demander pourquoi tous les volcans sont situés dans les montagnes ? pourquoi paraissent-ils d’autant plus ardents que les montagnes sont plus hautes ? quelle est la cause qui a pu disposer ces énormes cheminées dans l’intérieur des murs les plus solides et les plus élevés du globe ? Si l’on a bien compris ce que j’ai dit au sujet des inégalités produites par le premier refroidissement, lorsque les matières en fusion se sont consolidées, on sentira que les chaînes des hautes montagnes nous représentent les plus grandes boursouflures qui se sont faites à la surface du globe dans le temps qu’il a pris consistance : la plupart des montagnes sont donc situées sur des cavités, auxquelles aboutissent les fentes perpendiculaires qui les tranchent du haut en bas : ces cavernes et ces fentes contiennent des matières qui s’enflamment par la seule effervescence, ou qui sont allumées par les étincelles électriques de la chaleur intérieure du globe. Dès que le feu commence à se faire sentir, l’air attiré par la raréfaction en augmente la force et produit bientôt un grand incendie, dont l’effet est de produire à son tour les mouvements et les orages intestins, les tonnerres souterrains et toutes les impulsions, les bruits et les secousses qui précèdent et accompagnent l’éruption des volcans. On doit donc cesser d’être étonné que les volcans soient tous situés dans les hautes montagnes, puisque ce sont les seuls anciens endroits de la terre où les cavités intérieures se soient maintenues, les seuls où ces cavités communiquent de bas en haut par des fentes qui ne sont pas encore comblées, et enfin les seuls où l’espace vide était assez vaste pour contenir la très grande quantité de matières qui servent d’aliment au feu des volcans permanents et encore subsistants. Au reste, ils s’éteindront comme les autres dans la suite des siècles ; leurs éruptions cesseront ; oserai-je même dire que les hommes pourraient y contribuer ? En coûterait-il autant pour couper la communication d’un volcan avec la mer voisine, qu’il en a coûté pour construire les pyramides d’Égypte ? Ces monuments inutiles d’une gloire fausse et vaine nous apprennent au moins qu’en employant les mêmes forces pour les monuments de sagesse, nous pourrions faire de très grandes choses, et peut-être maîtriser la nature, au point de faire cesser, ou du moins diriger les ravages du feu comme nous savons déjà par notre art diriger et rompre les efforts de l’eau. »

D’après Buffon, non seulement les volcans ne communiquent pas avec le centre de la terre, mais encore ils sont situés très près de sa surface, d’ordinaire dans l’épaisseur même des montagnes, « Il ne faut pas croire, dit-il dans son Histoire et théorie de la terre[2], que ces feux viennent d’un feu central, comme quelques auteurs l’ont écrit, ni même qu’ils viennent d’une

  1. Époques de la nature, t. II, p. 75.
  2. T. Ier, p. 58.