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» Toutes les planètes n’étaient donc alors que des masses de verre liquide, environnées d’une sphère de vapeurs. Tant qu’a duré cet état de fusion, et même longtemps après, les planètes étaient lumineuses par elles-mêmes, comme le sont tous les corps en incandescence ; mais à mesure que les planètes prenaient de la consistance, elles perdaient de leur lumière : elles ne devinrent tout à fait obscures qu’après s’être consolidées jusqu’au centre, et longtemps après la consolidation de leur surface, comme l’on voit dans une masse de métal fondu la lumière et la rougeur subsister très longtemps après la consolidation de sa surface. Et dans ce premier temps, où les planètes brillaient de leurs propres feux, elles devaient lancer des rayons, jeter des étincelles, faire des explosions, et ensuite souffrir, en se refroidissant, différentes ébullitions à mesure que l’eau, l’air et les autres matières qui ne peuvent supporter le feu retombaient à leur surface : la production des éléments, et ensuite leur combat, n’ont pu manquer de produire des inégalités, des aspérités, des profondeurs, des hauteurs, des cavernes à la surface et dans les premières couches de l’intérieur de ces grandes masses ; et c’est à cette époque que l’on doit rapporter la formation des plus hautes montagnes de la terre, de celles de la lune et de toutes les aspérités ou inégalités qu’on aperçoit sur les planètes.

» Représentons-nous l’état et l’aspect de notre univers dans son premier âge : toutes les planètes nouvellement consolidées à la surface étaient encore liquides à l’intérieur, et lançaient au dehors une lumière très vive ; c’étaient autant de petits soleils détachés du grand, qui ne lui cédaient que par le volume, et dont la lumière et la chaleur se répandaient de même ce temps d’incandescence a duré tant que la planète n’a pas été consolidée jusqu’au centre, c’est-à-dire environ 2 936 ans pour la terre, 644 ans pour la lune, 2 127 ans pour Mercure, 1 130 ans pour Mars, 3 596 ans pour Vénus, 5 140 ans pour Saturne, et 9 433 ans pour Jupiter. »

Buffon pousse, on le voit, la hardiesse de ses vues jusqu’à calculer le temps qui a été nécessaire pour que le refroidissement de chaque planète ait pu s’effectuer. Je n’ai pas besoin d’insister sur ces calculs, qui manquent manifestement de base.

Je me borne à résumer son opinion sur l’évolution de notre globe. D’abord incandescent, il s’est refroidi et solidifié de la surface au centre. Aujourd’hui sa surface est froide, mais son centre est encore chaud. Tandis que la solidification s’effectuait, des irrégularités de toutes sortes se produisaient dans sa surface, des cavernes se creusaient et des montagnes émergeaient, et les matières les plus volatiles « qui ne peuvent supporter le feu », l’eau et l’air notamment, étaient séparées de la masse incandescente et rejetées au dehors. Buffon précise mieux, dans une page des Époques de la nature[1], la

  1. Voyez t. II, p. 40.