Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Buffon se trompait donc lorsqu’il émettait l’opinion, reproduite plus haut, que la forme sphéroïdale de la terre implique nécessairement un état de fluidité totale pendant lequel elle aurait revêtu cette forme. Cependant, la nature des phénomènes signalés par Herschel et leur rôle dans la détermination de la forme de la terre ne lui avaient pas échappé. Il admet, en effet, que la forme sphéroïdale prise par la terre pendant son état de fluidité s’est accentuée davantage par le transport vers l’équateur de sédiments entraînés par les eaux : « Il me paraît, dit-il[1], que dans le temps que la terre s’est formée elle a nécessairement dû prendre, en vertu de l’attraction mutuelle de ses parties et de l’action de la force centrifuge, la figure d’un sphéroïde dont les axes diffèrent d’une deux cent trentième partie ; la terre ancienne et originaire a eu nécessairement cette figure qu’elle a prise lorsqu’elle était fluide, ou plutôt liquéfiée par le feu ; mais lorsque, après sa formation et son refroidissement, les vapeurs qui étaient étendues et raréfiées, comme nous voyons l’atmosphère et la queue d’une comète, se furent condensées, elles tombèrent sur la surface de la terre et formèrent l’air et l’eau, et lorsque ces eaux qui étaient à la surface furent agitées par le mouvement du flux et reflux, les matières furent entraînées peu à peu des pôles vers l’équateur, en sorte qu’il est possible que les parties des pôles soient abaissées d’environ une lieue, et que les parties de l’équateur se soient élevées de la même quantité. »

Il ne faut pas perdre de vue, d’ailleurs, que si la forme sphéroïdale de la terre a pu être déterminée en partie par le transport des terres arrachées aux continents ou par les autres causes signalées par Lyell, cela n’empêche pas d’admettre qu’elle ait été d’abord entièrement fluide ; cela prouve simplement que l’on peut expliquer sa forme sans être obligé de supposer, comme le dit Lyell, qu’elle soit due à une « fluidité primitive, universelle et simultanée ».

Nature du noyau central de la terre. Nous devons maintenant examiner une question fort importante et encore très débattue parmi les géologues : celle de savoir si la terre est entièrement solide ou si, au contraire, sa partie superficielle seule est dans cet état, tandis que le centre serait encore liquide ou gazeux. La manière de voir la plus généralement admise sur ce sujet est, dans les grandes lignes, celle qu’adoptait Buffon. Je lui laisse d’abord la parole ; je montrerai ensuite dans quelles limites ses idées ont été modifiées par les savants modernes.

« Le refroidissement de la terre et des planètes, dit-il, comme celui de tous les corps chauds, a commencé par la surface ; les matières en fusion s’y sont consolidées dans un temps assez court ; dès que le grand feu dont elles étaient pénétrées s’est échappé, les parties de la matière qu’il tenait divisées se sont

  1. De la formation des planètes, t. Ier, p. 80