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globe terrestre a précisément la figure que prendrait un globe fluide qui tournerait sur lui-même avec la vitesse que nous connaissons au globe de la terre. Ainsi la première conséquence qui sort de ce fait incontestable, c’est que la matière dont notre terre est composée était dans un état de fluidité au moment qu’elle a pris sa forme, et ce moment est celui où elle a commencé à tourner sur elle-même. Car si la terre n’eût pas été fluide, et qu’elle eût eu la même consistance que nous lui voyons aujourd’hui, il est évident que cette matière consistante et solide n’aurait pas obéi à la loi de la force centrifuge, et que par conséquent malgré la rapidité de son mouvement de rotation, la terre, au lieu d’être un sphéroïde renflé sur l’équateur et aplati sous les pôles, serait au contraire une sphère exacte, et qu’elle n’aurait jamais pu prendre d’autre figure que celle d’un globe parfait, en vertu de l’attraction mutuelle de toutes les parties de la matière dont elle est composée. »

L’opinion émise dans ces deux passages par Buffon est celle que tous les astronomes professent aujourd’hui. Tous aussi invoquent, comme Buffon, à l’appui de cette opinion, la forme sphéroïdale de la terre. Cependant John Herschel a eu soin de faire observer que même dans l’état où elle se trouve aujourd’hui, c’est-à-dire avec une surface solide parsemée de mers, la terre devrait prendre la forme qu’elle présente. Quelle qu’ait été à l’origine la forme de la terre, étant donnée la constitution actuelle de sa surface « il se produirait, dit-il[1], (sous l’influence de la rotation) une force centrifuge dont la tendance générale serait de contraindre les eaux, en chaque point de la surface, à s’éloigner de l’axe. On pourrait même concevoir une rotation assez rapide pour chasser tout l’Océan de la surface de la terre, comme on expulse l’eau d’un linge mouillé ; mais un tel résultat exigerait une vitesse beaucoup plus grande que celle dont il s’agit ici. Dans le cas supposé, le poids de l’eau suffirait pour la retenir sur la terre, et l’effet de la force centrifuge consisterait simplement à éloigner l’eau des pôles et à la faire refluer vers l’équateur, où elle s’accumulerait en forme de bourrelet circulaire, et où elle se trouverait retenue, contrairement à son poids et à sa tendance naturelle vers le centre, par la pression ainsi produite. Ceci, toutefois, ne pourrait avoir lieu sans qu’il en résultât la mise à sec des régions polaires qui, alors, se trouveraient occupées par des continents élevés, tandis qu’une zone océanique entourerait l’équateur. Tel serait le premier effet, l’effet immédiat, de l’état de choses supposé dans l’hypothèse en question. Voyons à présent ce qui arriverait plus tard, en laissant les choses suivre leur cours naturel.

» La mer bat continuellement les côtes de la terre ferme ; elle les ronge, et en disperse sur le fond de son bassin les particules et les fragments, à l’état de sable et de galets. Un grand nombre de faits géologiques attestent pleinement

  1. Herschel, Astronomie, ch. iii.